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Maasina


Amadou Hampaté Bâ & Jacques Daget
L'empire peul du Macina (1818-1853)

Paris. Les Nouvelles Editions Africaines.
Editions de l'Ecole de Hautes Etudes en Sciences Sociales. 1975. 306 p.


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Chapitre VI

Bien que vassaux du roi de Ségou, les Arɓe 1 étaient les véritables chefs traditionnels du Macina et ils n'avaient pas attendu le meurtre d'Arɗo Giɗaɗo à la foire de Simay pour s'inquiéter de l'ascension rapide de Cheikou Amadou. Ce dernier, à l'époque où il n'était encore qu'un modeste marabout paissant ses troupeaux dans les plaines du Macina, avait eu maille à partir avec Arɗo Ngourori. Chaque année, il venait camper au bord d'une mare du Wouro Nguiya, mare qui porte aujourd'hui le nom de Hamman DaDi Foyna, en souvenir d'un de ses ancêtres. Arɗo Ngourori en fut averti et il envoya un serviteur dire à Amadou Hammadi Boubou :
— Chaque année, tu viens avec tes animaux dans mon domaine et tu campes près de l'un de mes points d'eau sans autorisation. De plus, tu ne me paies ni droit de pacage ni droit de traversée et tu ne me aucun présent d'hommage ni de soumission. Je t'ordonne de décamper au plus vite et de retourner d'où tu viens.
Amadou Hammadi Boubou quitta immédiatement la région comme s'il avait obtempéré en sujet docile à l'ordre d'Arɗo Ngourori.
Mais l'année suivante le vit revenir au bord de la même mare. Arɗo Ngourori fut tellement surpris de cette audace qu'il vint cette fois lui-même au campement d'Amadou.
— Pourquoi es-tu revenu ici ? lui dit l'Arɗo. Alors que l'année dernière tu semblais avoir obéi docilement à mes ordres.
Amadou répondit :
— Tu m'avais dit de partir et je suis parti immédiatement parce que la sagesse coranique laisse entendre qu'on ne doit pas désobéir inconsidérément à ceux qui détiennent le pouvoir temporel. Je suis revenu parce que tu ne m'avais pas donné expressément l'ordre de ne pas revenir. Or dans l'esprit de la loi d'Allah, s'il est grave de violet l'ordre formel d'un chef, la culpabilité est moindre lorsqu'on enfreint une défense équivoque.
Arɗo Ngourori reprit :
— Tu perds ton temps à ergoter. Le Macina restera éternellement sous notre domination à nous Arɓe. Ne te leurres pas là-dessus. Tu ferais mieux de quitter le pays ; cela t'éviterait de nous voir boire de l'hydromel, car nous ne renoncerons jamais à cette boisson. Et puisque tu ne veux pas me payer une taxe de pacage d'un bovidé, je te donne explicitement l'ordre de ne plus revenir camper dans le Macina.
— Si tu m'interdis le Macina, j'irai dans le Karéri.
— Le Karéri ne peut se passer du Macina.
— J'irai dans le Nampala.
— Tu y auras à faire à des traîtres, les Maures.
— J'irai dans le Farimaké.
— Tu t'y ruineras, parce que c'est un pays de mendiants, et vu ton penchant à être charitable, tu risques d'avoir tout le monde à ta charge. Mais je vois que tu ne manques pas de valeur et je vais te donner un conseil. Si tu veux réussir, ne restes pas ici parmi les Peuls rouges 2 sinon ton affaire tournera mal. Il faut aller te fixer dans un pays où les Peuls habitent avec des Noirs et où ces derniers sont en majorité. Si tu veux m'écouter, tu iras dans le Diennéri.
Amadou Hammadi Boubou s'en alla et mit son grand-père Alfa Gouro au courant de ses démêlées avec Arɗo Ngourori et des conseils que ce dernier lui avait donnés en le renvoyant. Alfa Gouro recommanda à son petit-fils de tenir compte des paroles de l'Arɗo. Amadou, accompagné de ses élèves, poussa son petit troupeau jusqu'à Saare Maré. Il voulut s'installer au lieu dit Sono, propriété commune des habitants de Simay et Toummay. Il en demanda l'autorisation au nommé Kori Pagou, qui administrait les terres de la région en qualité de descendant du premier occupant. Kori Pagou en référa à Kémon, le chef du Dérari, résidant à Manga 3. La famille de ce dernier était au pouvoir depuis 502 ans ; il n'avait rien à redouter d'un modeste marabout pasteur comme Amadou Hammadi Boubou. Celui-ci obtint donc l'autorisation de s'installer à Sono. Cependant Amadou et ses talibés circulaient dans toute la région et fréquentaient notamment le marché de Simay. Ils y étaient constamment en butte aux moqueries et aux vexations des envoyés d'Arɗo Amadou qui, à l'instar d'Arɗo Ngourori, désirait se débarrasser du voisinage d'Amadou Hammadi Boubou, dont l'influence grandissante lui paraissait dangereuse pour les Arɓe.
Amadou qui connaissait la région de Dienné pour l'avoir souvent parcourue, décida de quitter Sono pour se fixer à Roundé Sirou. Ainsi il sortait du domaine des Arɓe et se rapprochait d'une cité musulmane où il espérait trouver des hommes de Dieu près de qui s'instruire et vivre en bonne intelligence. Par ailleurs son troupeau trouverait dans le Diennéri d'excellents pâturages. Ce troupeau ne suffisait d'ailleurs pas à nourrir convenablement son propriétaire dont les élèves et les visiteurs devenaient de plus en plus nombreux. Les talibés d'Amadou continuaient donc à fréquenter les foires et les campements de pêche pour y demander l'aumône. Le marabout Hambéla Gouro Ba, du groupe des WuuwarBe, vint à Roundé Sirou rendre visite à Amadou. Les connaissances coraniques de ce dernier l'émerveillèrent et il lui fit don d'un jeune captif nommé Beydari Koba ; en retour il demanda à Amadou de faire des prières pour que sa famille se perpétue dans le Diennéri. Beydari Koba, pour se rendre utile malgré son jeune âge, allait chaque jour couper de l'herbe pour la vendre au marché de Dienné 4. Il rapportait ainsi un peu de monnaie qui servait à boucher quelque trou dans le budget de son maître. Un jour, un métis d'Arabe se permit de prendre de force et sans payer une charge de bourgou que Beydari Koba venait de déposer. Devant les protestations véhémentes du jeune homme, le métis arabe donna l'ordre à plusieurs rimayBe de frapper Beydari Koba. Ce dernier vint se plaindre à son maître qui lui dit :
— Laisse à Dieu le soin de te venger.
Amadou comprenait en effet que l'attitude du métis arabe était le résultat de la sourde jalousie des marabouts de Dienné à l'égard de son école et de son influence personnelle grandissante. Pour calmer son serviteur il ajouta :
— Cesse de te plaindre, Beydari, Dieu pourrait te donner le commandement de tous les RimayBe du pays en échange de ta botte de bourgou.
Beydari Koba, bouillant de colère et de dépit, répondit :
— Je préfère le prix de ma botte d'aujourd'hui au commandement des RimayBe de demain ; paroles qu'il devait retirer après la fondation de la Dina 5.
C'est alors qu'éclata l'affaire de Simay où Ali Guidado tua, comme il a été relaté dans un chapitre précédent, le fils d'Arɗo Amadou. A cette époque, le titre de Arɗo Mawɓo devait revenir d'après la coutume peule à Arɗo Ngourori. Mais un devin ayant prédit que les Arɓe disparaîtraient en tant que chefs du pays, le jour où un nommé Ngourori accéderait au ArDaaku, un conseil réuni à Kékey avait décidé à l'unanimité d'éloigner Ngourori du commandement. On avait envoyé chercher un de ses parents dans le Dyilgodyi pour lui confier la chefferie du Macina. Sûr d'être évincé à jamais du fait de son prénom fatidique et mécontent de ce que le roi de Ségou, Da Monson, n'usât pas de la force pour l'imposer comme Arɗo du Macina, Arɗo Ngourori ne mettait pas beaucoup d'empressement à faire exécuter les ordres reçus de Ségou. Il résidait habituellement à Sempo et avait rompu pratiquement toute relation avec ses cousins, les Arɓe de Toggéré Sanga, de Kombé, de Wouro Nguiya, de Sendé et de Saré Toumou 6. Ceux-ci profitaient de la situation pour essayer de se tailler chacun une petite chefferie indépendante, sans se soucier de l'intérêt général de la famille. Le plus ambitieux de tous était l'Arɗo de Samay, Arɗo Amadou, qu'Arɗo Ngourori laissait percevoir les taxes dues par les habitants du Mourari et encaisser les droits de marché à Simay 7. Ne voyant pas venir l'Arɗo que l'on était allé chercher dans le Dyilgodyi, Arɗo Amadou caressait en secret l'espoir d'être un jour choisi comme Arɗo Mawɓo à la place d'Arɗo Ngourori. Il entretenait des relations amicales avec le Poromani masa, connu sous le nom de Faramoso ; le chef bobo et le chef peul se rencontraient souvent à la foire de Simay ; ils buvaient ensemble de l'hydromel au son des instruments de musique. Si Arɗo Ngourori avait eu des raisons de ménager Amadou Hammadi Boubou en qui il avait reconnu une forte personnalité et l'étoffe d'un futur chef, Arɗo Amadou ne pouvait que souhaiter la ruine du marabout, susceptible de devenir un obstacle à ses ambitions. Arɗo Amadou se faisait souvent représenter par son bouillant fils Arɗo Giɗaɗo, ami des plaisirs et des beuveries, adversaire déclaré de tous les marabouts et de tous leurs talibés. Arɗo Guidado laissait entendre que son père devenu Arɗo Mawɓo, lui serait le chef effectif du Macina, et il était décidé à tout pour se débarrasser d'Amadou Hammadi Boubou dont l'influence grandissante lui paraissait des plus dangereuses pour l'avenir.
Les Arɓe étaient d'autre part en excellents termes avec Guéladio qui avait succédé à son père Hambodédio, à la tête du Kounari 8. Guéladio résidait à Goundaka, au pied des falaises de Bandiagara dont les contreforts servaient de remparts naturels à sa capitale et la rendaient pratiquement imprenable. Guéladio était bien en cour auprès du roi de Ségou. C'est lui qui était intervenu auprès des conseillers de Da Monson pour que celui-ci charge Arɗo Ngourori de percevoir les taxes et les impôts dus à Ségou par les pasteurs, pêcheurs, cultivateurs et marchands du Macina, en attendant que l'on fasse venir un Arɗo du Dyilgodyi.
Lorsque Arɗo Giɗaɗo fut tué à Simay, Ardu Amadou réussit à émouvoir Faramoso, Arɗo Ngourori et Guéladio, puis par l'entremise de ces derniers, Sembe Segu 9 et le chef bambara de Monimpé. Tous décidèrent d'agir afin d'exterminer Amadou Hammadi Boubou et ses partisans. Arɗo Amadou voulait profiter de l'occasion pour réconcilier tous les Arɓe et les regrouper autour de lui. Les Peuls devaient fournir deux contingents : l'un appelé nootaagu Kunaari, sous le commandement de Guéladio, l'autre appelé nootaagu Maasina dont Arɗo Ngourori abandonna le commandement à Arɗo Amadou. Ce dernier espérait venger son fils et bénéficier du prestige qui entoure toujours un chef militaire victorieux, pour accéder plus facilement au ArDaaku. Mais il devait s'arranger pour laisser combattre les Bambara et arriver seulement quand la victoire aurait été assurée. Tout ce plan échoua ; la journée de Noukouma fut fatale aux Arɓe en même temps qu'à leurs alliés.
Guéladio, en fin politique, se retira aussitôt d'une lutte qu'il jugeait fort compromise ; il se retira promptement à Goundaka. Quand il vit la partie définitivement perdue, il alla se soumettre à Cheikou Amadou, espérant ainsi garder le commandement du Kounari et attendre l'occasion d'une revanche personnelle. Les notables du Macina, devant la conversion retentissante de Guéladio, se concertèrent en secret et décidèrent eux aussi de se soumettre à Cheikou Amadou. Mais pour cela, il était indispensable soit d'avoir le consentement d'Arɗo Ngourori, soit de s'en débarrasser en l'assassinant ou en le livrant aux marabouts de Noukouma. Les meneurs, qui estimaient la présence d'Arɗo Ngourori fatale aux intérêts du pays, se mirent d'accord pour livrer leur chef.
Quelques notables, après avoir dressé un plan secret, vinrent trouver Arɗo Ngourori et lui dirent :
— Fais comme Guéladio. Va trouver Amadou Hammadi Boubou à Noukouma, convertis-toi à sa religion. Ainsi tu garderas ton commandement. Si tu ne le faisais pas, nous craignons fort de te voir rester seul
Arɗo Ngourori qui ne manquait pas de perspicacité, flaira immédiatement la trahison. Il répondit:
— Depuis les victoires d'Amadou Hammadi Boubou et surtout depuis que se construit sa nouvelle capitale, les Peuls rouges de tous les pays environnants veulent se soumettre. Il peut faire de sa capitale une forteresse, mais cela ne veut pas dire qu'elle sera imprenable. Vous me détestez parce que je reste fidèle à Ségou. Je vais aujourd'hui et publiquement vous mettre en garde contre la tentative de trahison que vous fomentez contre moi. Je ne suis pas décidé comme Guéladio à plonger mon front dans la poussière pour plaire à qui que ce soit. Je ne me soumettrai jamais à Amadou. A mes yeux, ce sera toujours un mendiant ; c'est un quémandeur et moi je suis un aigle de proie. Si le Macina persiste à se rapprocher d'Amadou, je me charge de faire venir de Ségou autant de chevaux qu'il faudra pour dévaster ses villages, ses pâturages et ses champs.
Les notables n'insistèrent pas. Ils n'étaient pas surs d'être dans les bonnes grâces de Cheikou Amadou. Ils jugèrent prudent d'attendre une meilleure occasion. Quant à Arɗo Ngourori qui désirait reprendre la guerre contre Cheikou Amadou, il envoya à Ségou son demi-frère Boubou, connu sous le nom de Boubou Arɗo Galo Macinanké, pour demander à Da Monson une nouvelle armée.

En l'an 6 de la bataille de Noukouma (1824) les notables du Macina se dirent : « Arɗo Ngourori ne peut plus espérer recevoir de Ségou l'aide que Boubou Arɗo est allé solliciter. Nous n'avons rien à craindre de ce côté. Livrons-le par ruse ou par force à Cheikou Amadou. »
Ils vinrent encore une fois trouver Arɗo Ngourori et lui demandèrent insidieusement si la longue absence de Boubou Arɗo et le silence de Ségou ne lui inspiraient aucune crainte et s'il ne préférait pas tenter lui-même une démarche auprès de Cheikou Amadou. Travaillé par les DiawamBe, Arɗo Ngourori se laissa convaincre. Il accepta d'aller à Hamdallay. Mais il était bien entendu qu'Arɗo Ngourori parlerait à Cheikou Amadou d'égal à égal et qu'il serait soutenu, quoi qu'il arrive, par sa suite et tous les notables du Macina.

Le cortège se prépare. Cheikou Amadou avait déjà été avisé par ses agents secrets qu'Arɗo Ngourori allait venir accompagné de ses notables et que ceux-ci étaient décidés à le livrer à moins qu'il ne se convertisse à l'islamisme. Cheikou Amadou envoie des cavaliers au-devant d'Arɗo Ngourori et le fait accueillir à Hamdallay avec tous les honneurs dus à un grand personnage. Le grand conseil se réunit et Hambarké Samatata invite Arɗo Ngourori à exposer le motif de sa visite. Mais avant que celui-ci n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche, un notable de sa suite prend la parole :
— Nous sommes venus, dit-il, accompagner Arɗo Ngourori repentant. Il veut se soumettre à Dieu et obéir au vicaire du Prophète, notre pontife Cheikou Amadou. Nous, qui sommes ses témoins et l'avons accompagné, nous allons lui donner l'exemple.
Tous les membres du cortège venu du Macina se lèvent les uns après les autres et prêtent serment de fidélité à Cheikou Amadou.
Arɗo Ngourori, revenu de sa surprise, se dresse brusquement et s'adressant à sa suite :
— Il y a quelques instants, avant d'entrer dans cette salle, vous m'assuriez que je pourrais parler à Amadou Hammadi Boubou d'égal à égal et que vous me soutiendriez. J'aurais été bien aveugle si je ne m'étais pas attendu à cette honteuse trahison de votre part. Hélas ! Je ne puis exercer un commandement si tous m'abandonnent. Je renoncerai volontiers à être votre chef. Je vais me convertir, non par peur de mourir, mais pour une raison que je me garde de dire 10, et qui pourrait ternir ma conversion. Je déclare sur l'honneur que je me soumets à la loi musulmane et reconnais Amadou Hammadi Boubou que j'ai jusqu'ici traité de mendiant, comme pontife et Cheikou Amadou.
Ce brusque changement d'attitude et cette conversion à l'Islamisme ne fut pas sans inquiéter quelque peu les gens du Macina qui s'attendaient de la part d'un Arɗo à moins de résignation. Mais Cheikou Amadou, heureux de voir venir à lui un ancien adversaire, dit :
— Maintenant qu'Arɗo Ngourori est converti, il doit raser sa chevelure et renoncer aux parures d'or qui cernent sa tête car il est interdit à un musulman du sexe masculin de porter des bijoux d'or. Dès que le coiffeur eut fini de lui raser la tête, Arɗo Ngourori tombe évanoui. L'émotion et l'indignation en sont la cause, car pour les Arɓe se raser la chevelure est un acte odieux. Cheikou Amadou interdit de toucher aux cheveux et aux boucles d'or de l'Arɗo. Lorsque celui-ci reprend ses sens, il voit à terre toutes ses parures, mais ne fait aucun geste.
— Arɗo Ngourori, nous avons respecté ton évanouissement, dit Cheikou Amadou, et nous avons attendu que tu reprennes connaissance de toi-même. Maintenant ramasse ton or.
— Quand cet or était à moi et digne de me parer, réplique Arɗo Ngourori avec un sourire amer, il était suspendu à mes tempes et broché dans mes tresses royales. Maintenant qu'il est tombé à terre, il est plus digne de toi que de moi. Baisse-toi pour le ramasser si tu l'oses, moi je ne m'abaisse pas.
Hambarké Samatata lève son sabre contre Arɗo Ngourori et crie :
— A peine converti, tu injuries Cheikou Amadou. Tu es renégat et tu mérites d'être...
— ... ménagé, termine Cheikou Amadou.
Hambarké Samatata qui voulait frapper Arɗo Ngourori ne sait plus que dire. Il ramène doucement sa main et remet son sabre dans le fourreau. Alors Cheikou Amadou, avec son calme habituel, reprit :
— Il faut accorder à Arɗo Ngourori des circonstances atténuantes. Tout converti qu'il soit, tout Cheikou Amadou que je sois, je ne peux manquer d'être aux yeux de cet homme la cause de la mort de son fils 11 et de la ruine de son pouvoir. Les paroles qu'il vient de prononcer ne s'adressent pas à Cheikou Amadou, mais bien à Amadou Hammadi Boubou. L'injure est à mon adresse personnelle. Je suis seul juge de l'attitude à prendre : je pardonne par pitié.
Arɗo Ngourori était loin de s'attendre à une telle réponse de la part de Cheikou Amadou. Pointant son index droit vers lui :
— Le Macina n'a fait que me trahir, dit-il. Mais toi, après avoir fait tuer mon fils, après m'avoir ravi mon commandement, après m'avoir fait raser la tête comme à un captif qu'on dépouille, tu viens de me traîner dans la boue par ton mépris.
Et sans demander l'autorisation, Arɗo Ngourori quitte la salle et se retire dans le logement où il était descendu. Il s'y enferme et donne l'ordre formel à ses serviteurs de ne laisser personne pénétrer jusqu'à lui.
Cheikou Amadou interdit de troubler la retraite d'Arɗo Ngourori.
— Il ne faut pas, dit-il, pousser à bout un homme qui peut devenir un brandon de discorde. Un ardo est un lion qui fuit quand on le blesse, mais fait face quand on le défie.
Arɗo Ngourori restait confiné chez lui, ne sortait jamais et ne recevait personne. Hambarké Samatata et ses limiers ne purent savoir ce que cette claustration signifiait.
Les gens du Macina, de leur côté, se montraient de plus en plus inquiets. La conversion d'Arɗo Ngourori n'allait-elle pas se retourner contre eux ? Cheikou Amadou connaissait certainement la prophétie relative à la nomination de Ngourori au ArDaaku. N'allait-il pas exploiter l'oracle ? S'il confiait pour un temps, si court soit-il, le commandement du Macina à Arɗo Ngourori, celui-ci ne manquerait pas de se venger sur les traîtres qui l'avaient amené à Hamdallay ; la prophétie se réalisant, les Arɓe perdraient en outre définitivement le pays qu'ils dominaient depuis Maghan Diallo. Les notables du Macina demandèrent donc à Cheikou Amadou de nommer un Peul à la tête de leur pays.
— Fermez vos bouches, ouvrez vos yeux et tendez vos oreilles, répondit Cheikou Amadou. J'enregistre votre demande, mais c'est au grand conseil qu'il appartient de décider, en accord avec le conseil restreint. La Dina n'est pas un état où les sentiments dictent les décisions. Vous aurez un chef qui obéira à la loi de Dieu et s'inspirera des actes de son Prophète 12.
Les gens du Macina s'en allèrent en disant entre eux :
— Pourvu que notre sort ne soit pas celui du vêtement de la légende ; souillé d'excréments, on ne trouva que de l'urine pour le laver.
Le bruit courut que Ngourori faisait la grève de la faim. Cheikou Amadou s'en émut et alla lui rendre visite. Ngourori fut plus touché de cette démarche qu'il ne le laissa paraître ; il remercia du bout des lèvres avec une feinte indifférence.

Une chaleur oppressante avait pesé tout l'après-midi. Le disque jaune du soleil descendait à l'horizon tandis qu'à l'est de gros nuages s'amoncelaient, se chevauchant comme des chèvres effarouchées entre deux feux de brousse. Un léger souffle d'air annonce l'approche de la tornade. Le ciel s'assombrit de plus en plus, prend une teinte rougeâtre puis violette. Des éclairs sillonnent horizontalement la nuée. Soudain un ouragan de poussière accourt, courbant la taille des hommes, affolant les animaux ; balayés par la rafale, les oiseaux qui n'ont pu trouver un abri, sont emportés à la dérive. Les béguètements des chèvres se mêlent aux bêlements des moutons. De grosses gouttes ne tardent pas à apparaître, d'abord espacées puis de plus en plus serrées, et une pluie diluvienne s'abat dans l'obscurité maintenant totale. Les bergers, chargés de veiller sur le troupeau parqué sous les murs de Hamdallay, abandonnent leurs bêtes pour chercher un abri.
La pluie ne cessa que tard dans la nuit, après que les bergers se fussent endormis dans la ville. Un fauve, profitant de l'obscurité qui suit les tornades, se glissa parmi les bœufs. Il ne fit aucun dégât, mais dispersa les bêtes restées sans gardien. Cheikou Amadou avait entendu le bruit. Il prit sa lance et seul, se glissa dans la nuit en direction du troupeau. Il réussit à regrouper les bœufs et fut très surpris d'entendre dans l'obscurité le cri par lequel les bergers flattent leurs bêtes pour les calmer. Quelqu'un l'avait précédé. Il se dirigea vers l'inconnu et demanda :
— Qui es-tu ?
— Et toi, qui es-tu ?
— Amadou Hammadi Boubou.
— Et moi Ngourori.
Cheikou Amadou qui croyait avoir été le seul à s'apercevoir de la venue d'un fauve, fut très surpris d'avoir été devancé et surtout par Arɗo Ngourori.
— As-tu constaté des dégâts de ton côté ? demanda-t-il.
— Non. Et de ton côté ? répondit l'Arɗo.
— Non plus, reprit Cheikou Amadou qui ajouta : « Rien ne t'obligeait à sortir par une nuit obscure comme celle-ci, au péril de ta vie, pour défendre un bien qui n'est pas le tien. »
— Certes, mais j'ai l'habitude de veiller quand les autres dorment et de me rendre compte par moi-même lorsqu'il y a des risques. Je croyais tout le monde plongé dans le sommeil à Hamdallay.
Cheikou Amadou serra la main d'Arɗo Ngourori en disant :
— Je vois que tu as le sens du devoir et la dignité d'Arɗo dans le sang. Il ne nous reste plus qu'à regagner la ville.
Au moment de se mettre en route, il passa sa lance à Arɗo Ngourori en disant seulement :
— Porte-la moi.
Ngourori prit l'arme et Cheikou Amadou se hâta de façon à marcher devant l'Arɗo. Ils firent toute la route ainsi, Arɗo Ngourori armé de sa propre lance et de celle de Cheikou Amadou, ce dernier allant le premier, les mains vides. Arrivé à sa porte Cheikou Amadou qui ne s'était pas retourné durant tout le trajet, fit face à Arɗo Ngourori et lui dit :
— Rends-moi ma lance. Je te remercie de me l'avoir portée jusqu'ici. Arɗo Ngourori lui remit l'arme et docilement regagna son propre domicile, où il passa le reste de la nuit à réfléchir.
Au matin, il alla trouver Cheikou Amadou et lui dit :
— Fais venir des notables, je veux en leur présence renouveler ma profession de foi musulmane et mon serment de fidélité à ton obédience.
— Ne t'es-tu pas déjà converti ?
— Avec restriction mentale. Je me disais en moi-même : « si Cheikou Amadou n'a que sa science maraboutique, il ne pourra pas commander. Avant de me donner entièrement à lui, je vais éprouver son courage personnel et la façon dont il veille sur son peuple. Cette nuit, j'ai été satisfait. Je rends hommage à tes qualités d'homme et de chef.
Sans attendre que Cheikou Amadou ait donné des ordres, Arɗo Ngourori se rendit à la salle de réunion du grand conseil. Quand tous les marabouts furent présents, il dit à Hambarké Samatata :
— Je suis venu vous ouvrir mon coeur.
Cette déclaration n'était pas de nature à mettre l'assemblée à l'aise. Les marabouts étaient visiblement gênés, car de la part d'un ardo ou d'un pereejo, ils s'attendaient à tout. Hambarké lui-même semblait être sur des charbons ardents. Cependant le visage malicieux du vieux renard Bouréma Khalilou rayonnait de joie et le sourire qu'il arborait accusait davantage la gaucherie empruntée de son antagoniste Hambarké Samatata. Ce dernier rompit le silence en ces termes :
— Arɗo Ngourori, tu es noble, fils de noble ; nous espérons que tu ne prononceras devant les augustes membres du conseil aucun propos indécent et que tu n'adopteras aucune attitude déplacée. Sinon je me verrais dans l'obligation de te rappeler à l'ordre.
Bouréma Khalilou répliqua :
— Ton exorde, Hambarké Samatata, est mal venue. Elle produit un effet plus fâcheux que bon. Tu as parlé à tort et même à travers. Quand un homme majeur et libre se lève et demande à parler sans que rien ni personne ne l'y oblige, on le laisse s'expliquer sans essayer de l'intimider. Mieux vaut laisser le terrain en friche que d'y semer des épines. Tu recommandes à Arɗo Ngourori la correction dans ses paroles et c'est ta langue qui s'embarrasse de propos malséants. Est-ce laisser-aller de ta part ou adroite manière d'agacer Arɗo Ngourori pour le pousser à bout et le mieux posséder ?
— Voudrais-tu me dire combien tu es payé pour cette intervention véhémente et intempestive ? répliqua aigrement Hambarké.
— Certes je serai grassement rétribué.
— Et par qui ? Je voudrais que tu le dises devant les marabouts puisque tu es si beau parleur.
— Il n'y a pas de doute que c'est Dieu qui a révélé le Coran. Or il y est dit que Dieu rétribuera celui qui défend la vérité. C'est donc lui qui me récompensera. Il me fera boire à « l'onde des favorisés » et rafraîchira ma gorge qui se dessèche ici-bas à te recommander la droiture et la patience. Tu es toujours trop sévère ; tu ne fais pas plus cas de tous ceux qui se trouvent à ta portée que s'ils étaient paille de fonio foulée... Cheikou Amadou entra sur ces entrefaites, suivi de ses deux témoins.
Tout le monde se leva en son honneur. Ainsi prit fin la joute oratoire entre Hambarké et Bouréma.
Hambarké s'adressant à Cheikou Amadou dit :
— Arɗo Ngourori veut...
Bouréma l'interrompit :
— Arɗo Ngourori est majeur, doué de parole et usant de la langue peule que nous comprenons tous : il n'a pas besoin d'un interprète. Une mutation ne vaut jamais l'original. Qu'Arɗo Ngourori expose lui-même les faits.
— Je voudrais que Cheikou Amadou s'absente de la salle, dit Ngourori, on bien que les marabouts m'entendent ailleurs. C'est une prière que je vous adresse.
Cheikou Amadou se leva et sortit après avoir jeté à Arɗo Ngourori un coup d'oeil disant combien il était gêné et aurait préféré qu'il ne soit fait aucune allusion à la nuit précédente. Sans gêne ni fausse honte, en toute simplicité, l'Arɗo, déclara aux marabouts :
— Je m'étais converti, mais mon coeur espérait et souhaitait la restauration de ma famille. Je pensais que Cheikou Amadou n'était qu'un marabout qui avait eu de la chance à Noukouma et à Yéri qu'il ne s'occuperait que de son Coran et laisserait administrer son peuple par des subalternes ; que ceux-ci ne songeraient qu'à leurs propres intérêts et finiraient par perdre leur dignité et celle de la Dina avec. Mais cette nuit, j'ai en la preuve que Cheikou Amadou est un homme courageux sur qui l'on peut compter et un chef qui sait veiller sur son peuple. Il rapporta alors toutes les circonstances de leur rencontre nocturne.
Je me suis rendu compte de son courage, continua-t-il, par le fait qu'il m'a confié sa lance et m'a précédé sur le chemin du retour. Il s'est volontairement mis à ma merci. J'aurais pu le transpercer de ma lance et de la sienne et m'échapper à la faveur de la nuit. Il m'a prouvé que sa foi en Dieu lui sert d'arme et de bouclier. A partir de cet instant, j'atteste sans restriction mentale aucune, qu'il n'y a de Maître digne d'être adoré en vérité et en réalité sinon Dieu. J'atteste que Mohammed est son serviteur et son envoyé. Je déclare, devant Dieu et devant les hommes, prêter serment d'inviolable fidélité à Cheikou Amadou et me placer librement sous son obédience religieuse.
La nouvelle de la vraie conversion d'Arɗo Ngourori se répandit rapidement. Ce fut une fête dans Hamdallay. Hambarké Samatata, heureux de ne plus avoir à surveiller l'Arɗo, voulait que la Dina fasse à ce dernier un cadeau somptueux en témoignage de satisfaction. Il introduisit une demande en ce sens au grand conseil et défendit avec âpreté sa proposition parce que, tout en reconnaissant l'intérêt que la Dina avait à s'attacher un homme de la valeur d'Arɗo Ngourori, certains marabouts regardaient à la dépense quand il s'agissait du beyt el mal 13. Cheikou Amadou intervint en faveur de Ngourori et Bouréma Khalilou s'abstint de surenchérir de peur d'indisposer Hambarké. Le grand conseil décida de donner à Arɗo Ngourori cent captifs et cent bovidés. On venait d'apprendre que Boubou Arɗo, revenu de Ségou, avait usurpé la chefferie et confisqué tous les biens d'Arɗo Ngourori qu'il considérait comme un traître à sa famille. Ce dernier comprit que la générosité de la Dina était un moyen détourné de le dédommager de la fortune que son frère lui avait ravie. Il voulut refuser le cadeau qu'on lui offrait. Cheikou Amadou le pria d'accepter. Il répondit :
— Je ne tiens plus aux biens de ce monde ni à ses honneurs éphémères. J'aspire à l'éternité. Mon frère perd tout en ne me suivant pas. Il ne connaît pas le Macina, mais il le connaîtra un jour où il ne lui restera plus de larmes pour pleurer ni de dents pour se mordre les doigts de dépit. Dieu a anéanti la puissance des Arɓe dans ce pays, et avec elle la suprématie bambara. Je ne suis pas de ceux qui méconnaissent ou méprisent les signes célestes. C'est Dieu qui a appelé Cheikou Amadou au commandement. J'ai voulu voir comment il s'y comporterait et je l'ai vu. Je n'ai pas la possibilité de faire comme lui. Mais je préfère le suivre, plutôt que de m'attacher à ceux qui adorent des idoles impuissantes.
Arɗo Ngourori dit encore à Cheikou Amadou :
— Je voudrais que tu m'accordes personnellement trois choses.
— De quelle nature sont-elles ?
— Oh, ne crains rien. Je ne vais pas te mettre dans l'embarras en te demandant des biens matériels, je sais que tu n'en possèdes pas.
— De quoi s'agit-il ?
— Je voudrais étudier le Coran et je te demande :

— Viens demain assister à mes cours, dit Cheikou Amadou.
Lorsque le lendemain Arɗo Ngourori se présenta, Cheikou Amadou était assis au pied d'un mur et plus de cinquante élèves étaient accroupis en demi-cercle devant lui. Arɗo Ngourori ne voulut pas déranger Cheikou Amadou, absorbé dans la correction d'une planchette que son propriétaire attendait avec une attention respectueuse. Quand il eut fini, Cheikou Amadou rendit la planchette à l'élève. Puis il lut de mémoire, à haute voix, le texte de la leçon que l'élève suivait les yeux fixés sur la planchette. Il fit de même avec le suivant, puis avec un troisième, un quatrième, etc. Arɗo Ngourori finit par dire de façon à être entendu de ses voisins :
— Cheikou ne m'a donc pas vu ?
— Certes si, lui répondit un élève, mais tant que tu n'auras pas pris place dans le rang qui passe entre ses mains comme un chapelet qu'on égrène, il ne fera pas attention à toi.
Arɗo Ngourori demanda à un jeune homme de lui céder sa place par égard pour son âge. Contrairement à l'habitude, le santaaru accepta 14. La file des élèves continua à se dérouler lentement et c'est quelques instants avant l'heure du déjeuner que le tour de Ngourori arriva de se trouver devant le marabout.
— Oh ! Arɗo Ngourori 15, s'écria Cheikou Amadou comme s'il venait seulement de remarquer sa présence ; puis il ajouta :
— Vous tous, amis de Dieu, qui venez ici pour apprendre, je vous présente Arɗo Ngourori. Il désire venir à cette école malgré son âge que vous voyez et son rang social que vous connaissez. Ici, la coutume est que chacun passe à son tour, en commençant par les premiers arrivés. Mais je vous demande instamment de vous réunir entre santaaji pour prendre une mesure exceptionnelle en faveur d'Arɗo Ngourori qui commence ses leçons demain. Je voudrais que vous ne le fassiez pas attendre et que vous le laissiez prendre la tête de votre file dès son arrivée.
Les santaaji acceptèrent, amusés de voir un homme de l'âge d'Arɗo Ngourori se mêler à eux pour apprendre les premières lettres du Coran.
Arɗo Ngourori fut un élève plus assidu que doué. Quand il récitait ses leçons, sa langue indocile intervertissait parfois l'ordre des lettres ou celui des voyelles, et il prononçait des mots abracadabrants pour la grande joie des élèves, surtout des plus jeunes. Arɗo Ngourori, loin de se décourager ou de se formaliser, disait philosophiquement à ses condisciples :
— Riez, mes amis, car la science ne s'acquiert qu'avec des larmes ; enfant, si vous allez à l'école, le maître vous frappe et vous versez des larmes ; vieux, lorsque la langue vous a fourché, on rit aux larmes de vous.
Arɗo Ngourori réussit cependant, au prix de nombreuses difficultés, à acquérir assez de science pour pratiquer un Islam exempt de doute. A sa mort, Hamdallay lui fit des funérailles de marabout. Toutes les écoles coraniques fermèrent pour accompagner la dépouille du plus pieux des Arɓe. Cheikou Amadou, tenant à l'honorer, descendit dans la fosse pour recevoir le corps. Au moment de le coucher dans sa dernière demeure, il s'écria :
— Jugga! 16 Le premier Arɗo dans le paradis de Dieu !

La conversion de Guéladio avait été d'autant plus retentissante qu'elle contrastait avec l'attitude franchement hostile des Arɓe. Mais l'astucieux pereejo espérait bien que Cheikou Amadou, par gratitude, lui confierait un commandement important. Or s'il resta à la tête du Kounari, ce fut Gouro Malado que le grand conseil choisit comme amiiru du Hayre. Au point de vue administratif, Guéladio relevait donc de Gouro Malado, lequel commandait directement le Pignari. Guéladio en fut profondément ulcéré. Il entra en rapport avec le marabout Amadou Alfa Koudiadio, originaire du Farimaké. Ce marabout jaloux d'Amadou Hammadi Boubou, poussa Guéladio à la révolte tout en lui conseillant la prudence. Guéladio écrivit une lettre à Cheik Sid Mahamman 17 pour lui demander un marabout qui puisse lui servir de conseiller technique et de secrétaire pour les questions musulmanes. Cheik Sid Mahamman lui envoya un de ses disciples et hommes de confiance : Nouhoun Tayrou. Après de longues études, celui-ci avait acquis des connaissances si vastes et si profondes que Cheik Ousmane dan Fodio lui avait décerné le titre d'Alfa et le surnom honorifique de ngel binndi 18. Alfa Nouhoun Tayrou vint donc dans le Kounari au service de Guéladio. Son rôle consistait à lire et traduire la correspondance émanant du grand conseil de Hamdallay et à rédiger les réponses. Celles-ci étaient toujours d'une remarquable tenue littéraire ; les traditionnelles références coraniques qui les émaillaient, prouvaient au grand conseil la science et la sagesse du secrétaire de Gueladio. Les marabouts firent une enquête discrète et apprirent qu'Alfa Nouhoun Tayrou était un adepte de Cheik Sid Mahamman, et qu'il avait acquis, au cours de quarante années d'études et de longs voyages, une science et une expérience qui en faisaient un conseiller digne d'intérêt. Quelques marabouts et Cheikou Amadou lui-même nouèrent des relations épistolaires avec Alfa Nouhoun Tayrou. Guéladio, qui espérait trouver en son secrétaire une aide contre le grand conseil de Hamdallay, fut fort déçu. Il finit par lui dire :
— Je m'aperçois chaque jour que tu es plus près, par le coeur, des marabouts de Hamdallay que de moi. Tu prétends toujours que leurs instructions sont conformes au Coran et à la Sounna et tu trouves toujours que ma ligne de conduite est répréhensible. Je me demande si réellement tu défends bien ma cause.
Guéladio ne se contenta pas de cette remarque désobligeante. Il écrivit, à l'insu d'Alfa Nouhoun Tayrou, une lettre à Cheik Sid Mahamman disant que son secrétaire était à la veille de trahir sa mission et de répudier l'obédience des Kounta. Cheik Sid Mahamman ne pouvait laisser passer de telles insinuations. Il fit porter un ordre écrit à Alfa Nouhoun Tayrou dont les termes auraient été les suivants d'après la tradition orale :

« Le serviteur d'Allah, Sid Mahamman, qui espère en la miséricorde de son créateur le Clément sans bornes, à son disciple, la perle brillante d'un collier magnifique, Alfa Nouhoun Tayrou, salut. Il nous est parvenu de la part de l'illustre fils d'Hambodédio, auprès de qui Allah a voulu que nous t'envoyions pour défendre et faire triompher le droit par la justice, que ton esprit est en train de s'obscurcir et tes pas, jadis si fermes, de chanceler. Nous ne pouvons ni croire à ta défaillance, ni douter du dire du fils d'Hambodédio, avant de t'avoir entendu. En conséquence, quel que soit le lieu où cette lettre te trouvera, pars immédiatement pour Tombouctou où nous te convoquons, avec le ferme espoir que nous ne t'y attendrons pas longtemps.»

Lorsque le porteur de cette lettre arriva au domicile d'Alfa Nouhoun Tayrou, celui-ci était sorti. Le messager attendit à la porte. Alfa Nouhoun Tayrou, revenant de la mosquée, allait rentrer chez lui quand l'envoyé de Cheik Sid Mahamman lui tendit la missive. Alfa Nouhoun Tayrou, piqué par la curiosité, l'ouvrit et en prit connaissance sur place. Les assistants virent ses traits changer au fur et à mesure qu'il lisait, mais ne pouvaient deviner les sentiments qu'il éprouvait. Surmontant son trouble, Alfa Nouhoun Tayrou après avoir achevé la lecture de la lettre, se tourna vers le messager et lui dit, souriant :
— C'est entendu.
Il tourna le dos à sa porte et dit à ceux qui l'accompagnaient :
— J'ai reçu de mon cheik l'ordre d'aller à Tombouctou, et je m'en vais.
Il chargea un ami d'aller faire ses adieux à sa famille et de le rejoindre avec le nécessaire pour le voyage, puis il dit à l'envoyé de Sid Mahamman :
— Tu m'excuseras de manquer à ton égard aux lois de l'hospitalité, mais partons sans plus attendre pour Tombouctou.
La nouvelle du rappel d'Alfa Nouhoun Tayrou parvint à Hamdallay. L'empressement avec lequel il avait répondu à la convocation de son cheik plut beaucoup à Cheikou Amadou qui lui écrivit immédiatement une lettre. Un cavalier rapide fut chargé de la lui porter avant qu'il ne fut sorti du Kounari. Le cavalier rattrapa Alfa Nouhoun Tayrou et son compagnon à Bogo 19. La teneur de la lettre, toujours d'après la tradition orale, était la suivante :

« L'humble serviteur d'Allah le Grand, le Clément, le Miséricordieux, Amadou fils de Hammadi, fils de Boubou, à son frère en Allah, le savant, le pieux Nouhoun Tayrou. L'oreille perçoit parfois ce qui ne lui est point destiné. Nous avons appris que le fils d'Hambodédio t'a desservi auprès de notre vénérable Cheik Sid Mahamman. Il accuse ton coeur de se pencher vers nous plutôt que vers lui. Nous souhaitons qu'Allah te lave d'une calomnie qui peut accabler ton coeur de chagrin. Nous te prions de venir à Hamdallay, nous enverrons au vénérable Cheik Sid Mahamman des preuves indiscutables de ta bonne foi. Ta place est plutôt parmi les membres du grand conseil qu'auprès de Guéladio. Ce dernier cherche à te chasser du pays alors que nous, nous recherchons la compagnie d'une âme aussi pure que la tienne, car seules les âmes pures sont agréables à Allah. »

Alfa Nouhoun Tayrou écrivit à Cheikou Amadou pour le remercier de sa sympathie, mais il ajouta qu'étant de l'obédience de Cheik Sid Mahamman, il ne pouvait se rendre à Hamdallay sans ordre de son maître.
Cheikou Amadou envoya alors une longue lettre à Cheik Sid Mahamman, et y joignit une correspondance reçue par le grand conseil de Hamdallay et dans laquelle Alfa Nouhoun Tayrou défendait Guéladio 20. C'était une preuve éclatante qu'à aucun moment Alfa Nouhoun Tayrou n'avait trahi sa mission malgré les propositions avantageuses de Hamdallay. Cheikou Amadou terminait sa lettre en demandant à Cheik Sid Mahamman de lui affecter Alfa Nouhoun Tayrou puisque Guéladio semblait ne plus en vouloir comme secrétaire. Cette lettre fut confiée à une pirogue légère avec ordre de ne pas s'arrêter en chemin. L'envoyé de Hamdallay parvint à Tombouctou avant Nouhoun Tayrou. Cheik Sid Mahamman prit connaissance des documents qui lui étaient communiqués et s'en montra très satisfait. Il savait à quoi s'en tenir sur la conduite de Guéladio qui avait inconsidérément calomnié un homme irréprochable. Il écrivit à Cheikou Amadou et à Alfa Nouhoun Tayrou.
La pirogue rapide de Hamdallay, remontant le fleuve, croisa celle de Nouhoun Tayrou qui descendait. On remit à Nouhoun Tayrou la nouvelle missive de Cheik Sid Mahamman. Il la lut avec joie, mais ne put s'empêcher de dire :
— Cheikou Amadou est un adversaire terrible ; il m'a fait perdre l'occasion de revoir mon cheik.
Effectivement, Sid Mahamman donnait ordre à son disciple de retourner sur ses pas et de se mettre à la disposition de Cheikou Amadou pour l'aider à gouverner la Dina.

La nouvelle affectation d'Alfa Nouhoun Tayrou n'était pas faite pour rassurer Guéladio. Celui-ci resserra ses relations avec Amadou Alfa Koudadio. Ce marabout avait espéré restaurer la Dina de son propre chef, mais s'était vu devancer par Cheikou Amadou. Il accepta de venir près de Guéladio pour aider ce dernier à fomenter une révolte. Il s'efforça, sans résultat d'ailleurs, de prendre Cheikou Amadou ou le grand conseil en faute afin d'en tirer argument pour une propagande religieuse dont il aurait été l'âme, Guéladio lui fournissant son appui militaire le moment venu. Mais la vie civile, religieuse et politique de la Dina restaurée par Cheikou Amadou, ainsi que la conduite personnelle des chefs et dignitaires à tous les échelons, étaient en accord constant et étroit avec les trois sources : Coran, Hadith et Idjma. Amadou Alfa Koudiadio n'avait aucune chance de ce côté, il s'en rendit compte. Une propagande maladroite aurait en outre pu se retourner contre lui : s'il avait été convaincu d'avoir causé un préjudice manifeste à la Dina en créant un schisme quelconque, il aurait payé cette action personnelle de sa vie. Il jugea plus sûr de conseiller à Guéladio de se rendre à Tombouctou, de se réconcilier avec Cheik Sid Mahamman et de demander, à celui-ci une aide occulte contre Cheikou Amadou.
Guéladio, par des consultations secrètes, supputa le nombre de ceux qui resteraient fidèles à Hamdallay et de ceux qui le suivraient dans une tentative pour soulever le pays. Sûr d'être soutenu, il résolut de faire appel à Cheik Sid Mahamman et, si le chef Kounta lui refusait son appui, de tenter sa chance grâce à la valeur militaire de ses partisans. Il était convaincu que Cheikou Amadou ne le prendrait pas vivant puisque Cheikou Amadou lui-même avait demandé à Dieu que Guéladio ne fut jamais à la merci de ses ennemis. Mais il regrettait amèrement d'avoir lui-même choisi la position de Hamdallay.
Conseillé par Amadou Alfa Koudiadio, il entreprit de justifier le fait sur lequel il allait se baser pour refuser de tenir ses engagements envers Cheikou Amadou. Son argumentation était la suivante :

« Le Pignari est ma conquête. Je ne peux pas admettre qu'on le donne à Gouro Malado. C'est une marque de mépris vis-à-vis de ma famille. Me taire serait forfaire à l'honneur des Hambodédio. Le commandement du Pignari ne doit pas être attribué à un autre sans mon consentement. Or les marabouts ont pris leur décision sans me prévenir, même à titre d'information. Je n'ai au demeurant que ce que je mérite. J'aurais du continuer à les combattre et mourir au besoin comme sait mourir un Arɗo. Mais je suis décidé à envoyer à Hamdallay une lettre de protestation. La réponse que Cheikou Amadou me fera, décidera entre la paix et le silence ou le bruit de la poudre et le cliquetis des armes blanches. Puis il écrivit au grand conseil :
« Avant l'avènement de Cheikou Amadou, moi, Guéladio Hambodédio, j'ai fait une incursion dans le Pignari ; j'ai battu le pays jusqu'aux portes de Doukombo 21. Cette région est mon domaine puisque je l'ai conquise. Je demande à ce qu'elle ne soit pas distraite du Kounari. Je m'élève contre la désignation de Gouro Malado pour la commander.»
Cheikou Amadou saisit le grand conseil de l'affaire. Les jurisconsultes après une longue séance de délibération, envoyèrent à Guéladio la réponse suivante :
« Il a été décidé par le conseil chargé de veiller sur la sécurité et la bonne marche de la Dina, qu'aucun homme incapable de lire, écrire et comprendre le sens d'un document écrit en caractères arabes, ne serait placé à la tête d'un territoire à plus de cinq jours de marche. Ton maintien comme chef du Kounari est une mesure exceptionnelle qui continue à être combattue par certains conseillers. Il est de ton intérêt et de celui des tiens de te tenir tranquille. Le grand conseil ne conteste ni ta naissance illustre, ni tes mérites militaires, mais il ne saurait être question de te donner la préséance dans une affaire où la valeur militaire et l'origine ne constituent pas des titres essentiels. On exige des chefs foi et science. Or sans t'insulter, ta foi est tiède et ta science est nulle.»
Cette réponse du grand conseil exaspéra Guéladio. Il se rendit à Tombouctou, sans demander l'autorisation à Cheikou Amadou et sans même l'en aviser. Il alla trouver Cheik Sid Mahamman :
— Je viens, lui dit-il, demander ta bénédiction et ton assistance secrète contre Cheikou Amadou et son conseil. Ils ne veulent pas reconnaître mes droits. Je suis décidé à leur faire la guerre et à rentrer en possession de mes territoires. Je continuerai à professer l'islamisme, mais je me placerai sous ton obédience et non sous celle de Cheikou Amadou, qui ne tient aucun compte de mon rang.
La légende prétend que Cheik Sid Mahamman, après une retraite spirituelle de quelques jours, emmena Guéladio hors de la ville et lui dit :
— Poste-toi ici et attends de pied ferme. De ce bosquet que tu vois sortira un esprit. Ne le laisse point t'échapper. Lutte contre lui et tâche de le tuer.
Vers minuit, un fantôme armé sortit brusquement de l'obscurité et se dirigea sur Guéladio. Celui-ci, effrayé, se cacha dans les buissons en appelant Cheik Sid Mahamman à son aide. Le chef Kounta tendit la main à Guéladio et lui dit :
— Tu as eu peur et tu n'as pas combattu le fantôme ?
— Oui , acquiesça Guéladio en sueur.
— Eh bien, cesse de te mesurer à Cheikou Amadou. C'est son spectre qui t'a inspiré tant d'effroi. Rentre à Goundaka et recherche par tous les moyens ses bonnes grâces. Si tu t'insurgeais contre lui, tu perdrais sans faute soit la vie, soit ton commandement.
Il est en tous cas certain que Cheik Sid Mahamman refusa son appui à Guéladio, qui quitta Tombouctou et rentra à Goundaka plus triste qu'il n'en était parti. Ne pouvant garder plus longtemps pour lui la peine qui le minait, il s'ouvrit à son frère Ousmane Hambodédio :
Je suis revenu de Tombouctou plus morose que jamais. Je n'ai pas trouvé auprès du marabout Sid Mahamman le réconfort sur lequel j'avais fortement compté. Il me prédit le pire. Tu seras battu si tu fais la guerre à Cheikou Amadou, telle a été sa conclusion. Mais je ne me laisserai pas intimider. Sans honneur, que ferais-je de la vie ? Mourir est une loi inévitable, mais se laisser honnir sans réaction, c'est manquer de courage et de vertu. J'ai foi en ma chance. Je préfère périr, voir tous les miens mourir ou quitter le pays, plutôt que de me soumettre aux gens de Hamdallay qui font et refont des coupes territoriales en dépit de tout bon sens. Si je ne sais pas réciter le Coran, mon esprit est rompu aux tactiques de la guerre. Mes chevaux, mes sabres et mes lances me redonneront la préséance que les versets du Coran, dit-on, me refusent. Je ferai aux marabouts une guerre sans merci. Ils pourront avoir ma vie comme ils ont eu celle de mon cousin Arɗo Amadou 22. Mais auparavant, ils auront eu de moi des nouvelles sanglantes. Tant que tu vivras, toi, Ousmane mon frère, tant que mes lances ne seront pas émoussées ni mes chevaux déchaussés de leurs sabots, les marabouts ne dormiront pas sur leurs deux oreilles et ils ne réciteront pas tranquillement des passages de leur livre dans la salle aux sept portes qui fait tant leur orgueil.
Ousmane qui avait attentivement écouté son frère jusqu'au bout dit :
— Alors ce sera la guerre entre nous et les marabouts ?
— Oui, dit Guéladio, je vais déclarer la guerre aux marabouts. Alors Ousmane Hambodédio convoqua les 130 chefs de jungo et les avertit secrètement de la décision prise par son frère.

A cette époque, Arɗo Ngourori suivait l'enseignement que Cheikou Amadou lui donnait sur le Coran et les dogmes de l'Islam. Guéladio lui fit demander de profiter de sa présence à Hamdallay pour préparer la révolte.
— Ma conversion est sincère, répondit Ngourori, et je ne veux pour rien au monde trahir Cheikou Amadou. J'ai eu l'occasion d'éprouver son courage, sa foi et sa moralité. Je déplore, ô mon cousin, que tu te laisses tenter et engager dans une affaire qui ne peut être que mauvaise. Quant à moi, je ne regrette qu'une chose, c'est d'avoir envoyé mon frère Boubou Arɗo à Ségou pour demander main forte aux Bambara.
Soutenu dans le Farimaké par Amadou Alfa Koudiadio, Guéladio se tourna alors vers Arɗo Boubou qui était revenu de Ségou. Des agents furent recrutés parmi les griots et les jaawamBe pour vilipender Arɗo Ngourori et faire courir le bruit que sa foi était mal entendue et qu'il ne s'en servait que pour masquer sa couardise. Sur l'air de njaru, composé par Gale, Séguéné Maabo, le guitariste personnel de Boubou Arɗo, les griots chantaient des satires contre tout Arɗo qui délaisse la guerre sous prétexte de religion. Boubou Arɗo, au lieu d'examiner la façon dont Arɗo Ngourori s'était rendu à Hamdallay et les circonstances qui l'avaient amené à embrasser l'islamisme, considérait seulement le fait que son frère était parti sans attendre son retour de Ségou. Il lui fit dire :
— Tu peux rester à Hamdallay puisque tu y as élu domicile. Tu peux te faire inscrire sur la liste des marabouts car tu es rayé de celle des Arɓe. Ne compte plus sur le Macina. Puisque tu as renoncé à venger Arɗo Giɗaɗo, ma place est maintenant aux côtés de Guéladio.
Hamdallay, informé de l'insurrection de Boubou Arɗo, comprit qu'il était soutenu par Guéladio et Amadou Alfa Koudiadio. Le grand conseil, pour savoir à quoi s'en tenir, envoya 100 cavaliers dans le Macina. Boubou Arɗo les arrêta non loin de Néné 23 et les tailla en pièces. Deux autres détachements subirent le même sort. C'est alors qu'un contingent de 1.000 cavaliers fut confié à Hambarké Oumarou Alfa Gouro, avec ordre de capturer coûte que coûte Boubou Arɗo qui devenait dangereux pour la sécurité du pays. On vint dire à Arɗo Boubou :
— Les hommes qui cachent leur visage avec un turban et qui portent leur livre en bandoulière 24 arrivent montés sur des chevaux rouges.
Il s'arma d'une entrave de fer et répondit :
— Les marabouts frappent les enfants avec une corde pour leur apprendre le Coran ; je les frapperai eux-mêmes avec cette chaîne pour leur apprendre la guerre.
Puis il fit seller son cheval blanc, appelé Barewal Kinke, et ordonna à son maabo de lui jouer l'air njaru. Mais Galo Séguéné, pris de peur, improvisa de nouvelles paroles et chanta :
« Les marabouts étaient venus 100, puis 200, puis 400, et maintenant ils sont innombrables ; tu ne viendras pas à bout d'eux. »
— Assez de iyyâ ka na' budu 25, je sais comment les traiter ; je leur ferai oublier les versets coraniques, tu peux te fier à ma lance.
Effectivement, Boubou Ardu culbuta les cavaliers de Hamdallay, qui refluèrent en désordre jusqu'au Niger. Ils retraversèrent le fleuve à Sahara. La nouvelle de cet échec parvint à Hamdallay et des renforts partirent immédiatement. Ils avaient été bénis par Alfa Nouhoun Tayrou 26 et vinrent se mettre aux ordres d'Hambarké Oumarou. Celui-ci marcha sur Néné, attaqua la ville avec toutes ses forces et l'enleva. Boubou Arɗo fut tué les armes à la main. Mais avant de mourir, il avait donné une chaîne d'or à Gala Séguéné et avait envoyé celui-ci auprès de Guéladio, qui restait seul capable de continuer la lutte contre Cheikou Amadou, après la défaite de tous les Arɓe.
Toutes les entrevues et les préparatifs de Guéladio ne pouvaient demeurer ignorés de Cheikou Amadou qui était très régulièrement et exactement informé au jour le jour de tout ce qui se passait dans ses territoires, même les plus éloignés. Le cas de Guéladio était grave, il demandait à être réglé sans faiblesse, mais aussi sans maladresse politique. Cheikou Amadou exposa l'affaire au madjilis consultatif 27 en ces termes :

« Le cas de Guéladio sur lequel nous avons à délibérer est très délicat. Rien ne nous empêche de faire crédit aux informations de nos espions et agents de renseignement attitrés. Mais si fidèles que soient leurs rapports, peuvent-ils valablement être admis comme preuves suffisantes pour décider la mise en état d'arrestation d'un homme ? Aller à Tombouctou sans autorisation et sans nous en avoir informé, boire de l'hydromel en cachette, ne pas prier régulièrement ni convenablement, s'insurger contre l'ordre établi par la Dina, sont autant de délits graves et de crimes répréhensibles. Mais a-t-il jamais été énoncé dans l'une des trois sources de nos droits : Coran, Sounna et Idjma, que le nombre de violations de la loi ou leur importance peut enlever à l'incriminé le droit d'être entendu et de présenter sa défense ? Pouvons-nous refuser à Guéladio un droit que Dieu lui accorde ? Je propose que Guéladio soit invité à se rendre à Hamdallay où il sera régulièrement interrogé et, s'il y a lieu, inculpé conformément à la loi coranique.»
Hambarké Samatata dépêcha un cavalier pour convoquer Guéladio. Celui-ci réunit les siens et leur dit :
— Les marabouts me convoquent. Je sais à quoi m'en tenir. Mais si je ne répondais pas à leur invitation, les mauvaises langues diraient que le fils d'Hambodédio est un couard. Préparez-vous à venir me délivrer, mais n'attaquez jamais sans ordre de ma part.
Guéladio fut reçu à Hamdallay avec tous les honneurs dus à son rang. Cheikou Amadou lui fit savoir qu'il avait à répondre de plusieurs délits graves et qu'il serait interrogé par cinq notables véridiques et instruits. Le tribunal secret se réunit après la prière d'icha. L'interrogatoire fut pathétique.
— Guéladio Bayo Boubou Hambodédio, jouis-tu en ce moment de toute ta lucidité ? Es-tu malade ou incommodé ?
— Je jouis de toute ma lucidité, je ne suis ni malade ni incommodé. Mais pourquoi me poser des questions aussi saugrenues ?
— Parce que tu es accusé de trahison, de renonciation tacite à la foi musulmane et d'attentat contre l'ordre établi. Hambarké Samatata va déposer contre toi. Tu dois répondre et nous sommes chargés de trancher l'affaire, conformément au droit de Dieu et à la tradition de son Prophète.
Hambarké Samatata prit la parole :
— Guéladio Bayo Boubou, que vous avez devant vous, a été depuis le jour de sa conversion, constamment surveillé par mes agents.
— De quel droit m'as-tu fait surveiller ? s'écrie Guéladio indigné.
— Je suis chargé de la sûreté et du tadbir 28 de la Dina. Je t'ai fait surveiller parce que, contrairement aux autres, j'ai toujours considéré ta conversion comme une astuce de prince impuissant qui se plie pour mieux se venger. Tes moindres faits et gestes ont été scrupuleusement consignés. Toi et les tiens, vous avez bien souvent eu la tête lourde. Combien de fois ne vous a-t-on pas vu aller de travers, tituber contre les palissades, vomir en plein marché, proférer entre deux hoquets des injures contre les choses sacrées et traiter dédaigneusement les marabouts de noircisseurs de planchettes et de buveurs de charbon délayé.
Après une pose Hambarké Samatata se tourne vers les cinq juges et continue :
— Je tiens à la disposition de qui veut le voir, un matériel complet pour préparer l'hydromel. Il a été enlevé de chez Guéladio. Le voyage de Guéladio à Tombouctou est suffisant comme preuve de trahison. Je demande que Guéladio soit considéré comme traître et coupable à l'égard de Dieu de renonciation tacite à la foi. Je souhaite que la justice le décapite et raye sa descendance ainsi que ses parents proches ou éloignés de la liste des notables partout où des muezzins appellent et réappellent à la prière.
Un des juges dit :
— Hambarké Samatata, il n'est question dans cette affaire que de Guéladio. Le crime de cet homme, même s'il est prouvé, ne peut être reporté sur la tête des siens, car Dieu a dit : « Allah n'imposera pas de charge à une âme si ce n'est selon ses facultés. Elle recevra selon ce qu'elle aura fait et il sera reporté sur elle ce qui a été obtenu d'elle. »
Le tribunal demande lors à Guéladio ce qu'il a à répondre à la véhémente accusation d'Hambarké Samatata.
— Je n'ai pas beaucoup de chose à dire. Je me suis converti à votre religion croyant que cette profession de foi me donnerait les mêmes droits qu'à tout autre de même condition que moi. Mais le partage du territoire tel qu'il a été fait par les conseillers, m'a prouvé à mes dépens que je m'étais bien trompé. Je n'ai pas dissimulé mon mécontentement et je ne cache pas ma ferme décision de chercher à laver ma honte. Je vous confirme donc ce que j'ai écrit dans une lettre adressée à Cheikou Amadou. Je n'ai pas voulu agir immédiatement contre lui. Je suis allé demander conseil et aide à Sid Mahamman le Kounta. Il ne peut rien pour moi. Tant pis. Un Arɗo ne ment pas et je ne veux pas être le premier à le faire. Je bois de l'hydromel et, ma foi, je prie comme je peux. Je reconnais que le matériel dont parle Hambarké Samatata m'appartient. Mais le proverbe a raison : « les excréments de l'éléphant se ramassent en son absence. » Hambarké m'a volé, et je ne peux pas admettre qu'un voleur me charge. Je récuse son accusation et je dépose une plainte contre lui pour avoir pénétré chez moi en mon absence.
Sur ces paroles Guéladio quitte la séance sans permission et se retire chez lui.
Les juges proposent la peine capitale. Le grand conseil approuve la sentence. Mais l'exécution d'un homme comme Guéladio ne peut avoir lieu sans précautions. Cheikou Amadou demande que le secret soit gardé jusqu'au jour de la décapitation. En attendant, Guéladio jouira de toute sa liberté dans la ville de Hamdallay.
Guéladio, fatigué d'attendre, se rend discrètement chez Bouréma Khalilou et lui dit :
— C'est toi, plus que tout autre, qui m'a poussé vers Cheikou Amadou, et j'ai suivi tes avis. Je viens te demander un conseil. Ma situation est équivoque. Les marabouts m'ont interrogé avec malignité et m'ont dit d'attendre. Cette attente me pèse d'autant plus que l'on m'interdit de sortir de Hamdallay. Je suis en réalité prisonnier, entouré de soins plus ou moins empressés, jusqu'au jour où l'on me dira de tendre le cou.
— Les marabouts t'ont condamné à mort, répond Bouréma Khalilou. Mais ton exécution pose un problème encore à résoudre. Je vais te donner un conseil. Oublie que tu es pereejo et considère-toi comme un homme attiré dans un guet-apens dont le devoir est de chercher à s'échapper. Je ne voudrais pas, après t'avoir fait venir à l'Islamisme, assister sans intervenir à ton exécution au nom de l'Islam. Je me considérerais comme un racoleur de victimes pour le sabre d'Hambarké Samatata. Tu as commis des fautes graves contre la religion et contre l'autorité de la Dina, mais on aurait dû admettre des circonstances atténuantes. Personnellement, Cheikou Amadou ne manquera pas de t'accorder un premier pardon, mais il n'est pas seul à décider de ton sort. Les versets du Livre sont impératifs et les marabouts du madjilis consultatif sont implacables même pour leurs propres enfants. Il faut t'échapper de Hamdallay.
— Je ne pourrai jamais, les portes sont bien gardées et les consignes formelles.
— C'est par ruse que tu sortiras de la ville. Nous sommes à deux jours de la fête. Tous les chefs, tous les marabouts, tous les guerriers des alentours y viendront. Demande à Cheikou Amadou la permission d'assister à la grande prière. Je vais faire dire à ton frère Ousmane Hambodédio de venir ici avec les cent trente. Il s'arrangera pour être près de Hamdallay à l'heure de la prière. Si les espions d'Hambarké Samatata surprenaient Ousmane et ses hommes, il dira qu'il vient à la fête et aussi pour avoir de tes nouvelles. Quant à toi, au moment de la prière, dès que les marabouts donneront l'ordre de former les rangs, tu te prépareras à sauter à cheval. Aussitôt que le takbir 29 de la prière sera prononcé tu sortiras des rangs comme si tu étais incommodé par un saignement de nez inopiné. Tu sauteras sur ton cheval. Mais donne-moi ta parole que tu ne profiteras pas du recueillement des musulmans pour les attaquer.
Guéladio promet que s'il réussit, il rentrera à Goundaka. Ensuite, il déclarera la guerre à Cheikou Amadou dans les formes voulues par la tradition des hommes de souche noble.
— Si tu réussis, ajoute Bouréma Khalilou, je serai quitte avec toi. Sinon, nous subirons le même sort.
Le lendemain même, Guéladio fait demander à Cheikou Amadou l'autorisation d'assister à la grande prière de la fête, qui devait avoir lieu sur un vaste espace éloigné d'environ deux kilomètres du mur d'enceinte. Hambarké Samatata émet l'avis que Guéladio ne doit être autorisé à sortir de la ville sous aucun prétexte. Bouréma Khalilou réplique :
— Je ne partage pas la façon de voir d'Hambarké Samtata. Il ne faut pas empêcher Guéladio de se rendre à la prière. Un tel acte serait en contradiction avec la mission de Cheikou Amadou qui est de faire la guerre aux gens pour qu'ils prient. Qui sait si Guéladio ne sera pas touché par le repentir et si la vue de la foule des musulmans prosternés ne le remettra pas dans le bon chemin ? Il faut exploiter les sentiments de cet homme au lieu de traîner, comme il dit, son honneur dans la boue, après lui avoir fait subir un interrogatoire indigne et présupposant une condamnation ignominieuse.
Cheikou Amadou donne à Guéladio la permission d'assister à la prière. Cependant l'envoyé secret de Bouréma Khalilou rejoint Ousmane Hambodédio. Les cent trente chevaux de Goundaka se mettent en route, ils arriveront à temps voulu, pendant que les fidèles seront à la prière.

Le jour de la Tabaski arrivé, tous les habitants de sexe masculin, en habits de fête, sortent de Hamdallay pour se rendre au lieu de la prière.
Guéladio les accompagne. Après s'être assuré qu'aucun notable ne manque, Cheikou Amadou donne l'ordre d'ouvrir la cérémonie. Les fidèles forment des rangs impeccables et la prière commence. Guéladio se lève alors comme s'il venait d'être subitement incommodé, saute lestement sur son cheval et fonce dans les buissons. Son frère qui n'attendait que ce signal débouche avec les cent trente et l'escorte en direction de Goundaka. Après la prière, Cheikou Amadou sans s'émouvoir, ordonne de continuer la fête. Guéladio ne sera pas immédiatement poursuivi, l'affaire demande à être sérieusement examinée. Hambarké Samatata incrimine Bouréma Khalilou et l'accuse d'avoir préparé la fuite de Guéladio. Bouréma est cité devant le conseil et condamné, à une année de réclusion totale et à la confiscation de tous ses biens.
De tout Hamdallay, Bouréma Khalilou était le plus fin diplomate, l'homme le plus rusé et le plus éloquent. Il remplissait au sein du grand conseil le rôle d'une sorte d'avocat général. Cheikou Amadou l'estimait an plus haut point et tenait toujours grand compte de ses suggestions. Mais, bien que ne l'approuvant pas, il ne put s'élever contre la condamnation de Bouréma Khalilou. Il dit simplement :
— J'ai bien peur que le grand conseil, uniquement composé de gens du livre, est-à-dire de théoriciens, ne commette de graves fautes politiques. La connaissance de l'âme humaine et de ses facultés est aussi une science et en cette matière Bouréma Khalilou, que nous avons condamné, était passé maître. Il connaît les hommes et obtient d'eux ce qu'il désire. La preuve en est que c'est Bouréma qui a fait venir Guéladio et Tiambadio diôro YaalaBe 30 à l'Islam.
— Cheikou Amadou, répliqua Hambarké Samatata, libérer Bouréma c'est scandaliser les musulmans.
Et les choses en restèrent là.

Guéladio, rentré à Goundaka, convoqua ses cent trente chefs de guerre. Il réunit une puissante armée, envoya à Cheikou Amadou une déclaration de guerre et vint occuper toute la région à l'est de Hamdallay. Durant sept années, il tint les marabouts en échec. Chaque rencontre coûtait à Hamdallay les meilleurs éléments de son armée.

Cheikou Amadou dit :
— Je constate que Bouréma Khalilou nous manque. Je demande sa mise en liberté et la restitution de ses biens. Il faudrait que cet homme reprenne sa place au sein du conseil. Tant qu'il en sera absent, nous ne pourrons nous débarrasser de Guéladio et de son frère Ousmane.
Bouréma Khalilou fut remis en liberté. En reprenant sa place au grand conseil, il déclara :
— Cheikou Amadou, c'est par respect pour toi que j'accepte de siéger parmi les marabouts qui méprisent mon expérience des hommes. Ils persistent à ne voir en moi qu'un jahili 31. Savoir lire et écrire ne garantit pas la vivacité de l'intelligence, la puissance de déduction, la promptitude dans la réplique ni le don de persuasion. Je ne voudrais plus être à la merci des marabouts et spécialement d'Hambarké Samatata, qui me déteste manifestement.
— Tu es assuré contre tes ennemis, répondit Cheikou Amadou. Dis la vérité chaque fois que tu la connaîtras. Je serai ton juge et au besoin ton défenseur, tant que tu ne commettras pas le péché d'associer une créature à Dieu.
Le conseil de guerre se réunit pour dresser un nouveau plan contre Guéladio, qui rendait la vie impossible à Hamdallay. Chaque conseiller donna son avis, sauf Bouréma Khalilou qui resta silencieux. Cheikou Amadou demanda :
— Qu'en pense Bouréma ?
— Je demande à réfléchir et demain je vous proposerai un plan d'action.
Les conseillers se levèrent en maugréant, mais force leur fut d'attendre le bon plaisir de Bouréma Khalilou.
Après la séance, Bouréma se rendit discrètement chez Cheikou Amadou et lui dit :
— Pour combattre et réduire Guéladio, il ne faut pas un plan dressé par plusieurs personnes. Guéladio est un des princes les mieux renseignés. Nous n'avons plus à Hamdallay un chef de cavalerie ni d'infanterie capable d'entreprendre une action efficace contre les Hambodedié. Fais venir le plus sûr de tes auxiliaires, le chef qui ne connaît pas de défaite, le soleil de tes victoires, l'homme qui le premier s'est donné à Dieu et s'est mis sous tes ordres, Amirou Mangal. Il viendra secrètement avec sa cavalerie en passant par Dienné, Koumaga, Dankolisa, Mégou, Soy ; il rentrera à Hamdallay au commencement du dernier tiers de la nuit.
Cheikou Amadou donna ses instructions dans le plus grand secret. L'armée d'Amirou Mangal quitta Dienné et arriva à Hamdallay sans avoir été repérée par l'ennemi. Cheikou Amadou réunit alors le grand conseil et donna la parole à Bouréma Khalilou. Celui-ci exposa son plan qui reçut l'approbation de tous les conseillers.
Amirou Mangal entra en campagne. Après quelques mois d'escarmouches, Guéladio commença à perdre du terrain. Hamdallay fut entièrement dégagé. Mais il fallait pour en finir s'emparer d'Ousmane Hambodédio. Un jour, Amirou Mangal obtint des renseignements selon lesquels Ousmane était à Sio 32 et se préparait à attaquer Hamdallay. Il envoya Samba Abou et trente cavaliers en reconnaissance. Ousmane Hambodédio de son côté, accompagné de son fidèle Hoorefowru, se dirigeait vers Hamdallay dans l'espoir de surprendre quelques voyageurs et de savoir par eux ce qui se passait chez les marabouts. En effet, Ousmane avait eu vent, mais sans grande précision, de l'arrivée de la redoutable armée d'Amirou Mangal chargée de liquider l'affaire de Goundaka au bout de laquelle Al Hadji, neveu de Cheikou Amadou, n'arrivait pas depuis un an.
A un tournant de sentier, Hoorefowru aperçoit les trente chevaux rouges de Samba Abou. Il veut éviter à Ousmane Hambodédio une rencontre inégale. Il dit :
— Ousmane, fils d'Hambodédio Paté Hammadi Yellé, tu as toujours prétendu que ton cheval était plus rapide que le mien. D'ici Sio, la distance est raisonnable ; mesurons nos chevaux à la course et si le mien bat le tien, personne n'en saura jamais rien. — Allons, dit Ousmane.
Mais au moment de partir, son cheval fait une volte et il aperçoit les chevaux rouges de la célèbre troupe de Samba Abou.
— Honte à toi, crie-t-il à Hoorefowru. Tu as voulu me faire tourner le dos à l'ennemi. Tu avais vu les chevaux des marabouts et tu voulais assurer ma vie par la fuite. Je ne devrai jamais mon salut à la rapidité de mon coursier, mais à la pointe de ma lance et au tranchant de mon sabre.
— Oui, j'ai voulu t'éviter une rencontre où tu ne peux que trouver la mort sans espoir de te venger. Ta perte condamne l'armée de Goundaka et ton frère sera défait, pris ou mis en fuite.
— Ce n'est pas le moment de s'attarder à ces sortes de considérations. L'ennemi est là, il faut l'attaquer et durement. Allons !
Et il éperonna son cheval. Mais Samba Abou le hèle :
— Ne fonce pas ainsi comme un fou, pour pouvoir dire que nous avons été trente à te tuer. Je suis ton homme. Affrontons-nous en combat singulier.
Les deux combattants sont amis d'enfance, mais leur rivalité n'en est que plus vive. Le duel s'engage. Les spectateurs assistent à une dramatique exhibition d'escrime et d'équitation, à une série d'attaques, de parades, de feintes et d'esquives, sans autre résultat que de légères blessures mutuelles. Les deux adversaires se séparent et se donnent rendez-vous pour le lendemain au même lieu.
Une action générale est inévitable, car les hommes d'Ousmane et ceux de Hamdallay tiennent à assister au combat singulier de leurs chefs. Les deux armées ne se sépareront pas sans avoir été aux prises. Elles prennent position et le lendemain matin les trouve face à face, Samba Abou et Ousmane Hambodédio sortent des rangs. Ils se saluent de leur lance et se précipitent l'un vers l'autre. Les chevaux se cabrent au moment du choc et les deux cavaliers désarçonnés roulent à terre. Ousmane Hambodédio se relève le premier et se jette sur Samba Abou. Celui-ci a la présence d'esprit de présenter la pointe de sa lance. Emporté par son élan, Ousmane vient s'y transpercer. Titubant de douleur il assène un violent coup de sabre à Samba Abou. Les deux adversaires tombent pour ne plus se relever.
Les deux armées n'attendaient que l'issue de cette lutte singulière. Elles s'élancent l'une contre l'autre : le choc est dur et meurtrier ; les pertes sensibles de part et d'autre. L'armée de Goundaka, privée de son chef et fort éloignée de ses bases, lâche pied. Elle est poursuivie par l'année de Hamdallay, mais bat en retraite en bon ordre. Amirou Mangal donne l'ordre de rentrer à Hamdallay pour inhumer les morts et soigner les blessés. Ceux de l'armée adverse, abandonnés sur le champ de bataille furent également relevés et traités comme le veut la coutume et la bienséance.
L'armée du Kounari arrive à Goundaka et annonce à Guéladio deux malheurs : la mort de son frère et la défaite de ses troupes. Guéladio envoie un exprès à Bouréma Khalilou, dont il a appris la réhabilitation, pour lui demander avis une fois de plus. Bouréma Khalilou lui conseille de quitter le pays. Comprenant que les prédictions de Cheik Sid Mahamman sont en train de se réaliser et connaissant la valeur des avis que lui donne son vieil ami Bouréma, Guéladio réunit un conseil de notables et dit :
— Je ne peux plus continuer la guerre contre Cheikou Amadou. Je vais m'expatrier. Que ceux qui veulent me suivre se préparent.
Les Tangara de Barbé 33 étaient ses meilleurs fusiliers, il leur demande de l'escorter en raison des risques qu'il courrait si la situation s'aggravait. Les anciens de la ville décident de diviser les familles en deux groupes et de tirer au sort celles qui resteront dans le Kounari et celles qui partiront avec Guéladio. Ce dernier dit à ses propres parents :
— Ceux qui veulent m'accompagner me feront plaisir, mais je me séparerai sans rancoeur de ceux qui préfèrent rester ici.
Alors son maabo s'approcha :
— Fils d'Hambodédio, dit-il, ta mère est vieille ; elle ne peut suivre le fugitif que tu es à travers un pays inconnu où tu ne pourras peut-être avancer qu'en donnant des coups de lance ou en faisant parler la poudre.
Guéladio se souvenant du maabo de Boubou Arɗo qui dans les derniers moments fut pris d'une telle peur qu'il ne pouvait ni jouer de son luth, ni chanter les louanges de son maître, comprit que son maabo était sui le point de lui fausser compagnie. Pour sauver la situation, il répliqua :
— Maabel Guéladio ! Tu as raison. Je vais demander à ma mère si elle veut me suivre.
La mère de Guéladio était effectivement très âgée ; gâtée par son mari et par son fils, elle avait toujours connu une vie facile ; c'était icomme disent les Peuls une tamre nebam 34. Elle dit à Guéladio :
— Pars et laisse-moi ici. Je serai toujours la veuve d'Hambodédio et la mère de Guéladio et comme telle respectée après ton départ. Hamdallay aura des égards pour la vieille femme peule que je suis.

Guéladio quitta le pays de nuit. Il avait mis plusieurs centaines de mutukal d'or dans une gourde en calebasse et avait remis cette petite fortune à sa mère en lui disant :
— Avec cela, tu pourras vivre à ta guise sans être à la charge de personne.
Maabel Guéladio s'offrit pour rester tenir compagnie à la vieille femme. Son maître accepta avec une facilité qui surprit Maabel lui-même. Le grand conseil chargea Al Hadji de poursuivre Guéladio. Le neveu de Cheikou Amadou voulait rattraper le fugitif pour venger les échecs qu'il avait essuyé avant l'arrivée d'Amirou Mangal. Mais Guéladio avait sur lui une avance considérable. Il traversa la plaine de Bankassi, le pays Yatenga, le Dyilgodyi et pénétra dans le Liptako, territoire dépendant de Bello, le sultan de Sokoto, successeur d'Ousmane dan Fodia. Al Hadji s'arrêta à Beléhédé, dans le Dyilgodyi, dont le marigot était considéré comme la limite du Macina 35. Il revint bredouille. Cheikou Amadou n'en fut nullement surpris. Guéladio obtint de Bello l'autorisation de se fixer aux environs de Say. Il y fonda Wouro Guéladio et donna au pays environnant le nom de Kounari, en souvenir de son Kounari du Macina où il avait régné en maître.
La mère de Guéladio fut transférée à Hamdallay. Sa foi n'était pas tiède comme celle de son fils. Cheikou Amadou qui avait de bons renseignements sur elle, la prit en grande considération. Il l'installa avec toutes ses servantes dans un logement spacieux, à l'intérieur de sa propre concession. Maabel Guéladio lui resta attaché. Sur la demande de Cheikou Amadou, le grand conseil décida que la Dina prendrait à sa charge les frais d'entretien de la mère de Guéladio. Ainsi celle-ci vécut et mourut à Hamdallay en bonne musulmane. A son décès, les curateurs chargés d'inventorier ses biens trouvèrent une gourde très lourde et hermétiquement scellé à la bouse de vache. On interrogea Maabel Guéladio sur le contenu de cette gourde :
— Avant de partir, expliqua-t-il, Guéladio l'avait remplie d'or et donné, à sa mère .
— Dans quel but ? Et pourquoi la gourde est-elle restée intacte ?demandèrent encore les curateurs.
— Mon maître ne pouvant emmener samère avec lui, avait voulu lui assurer ses vieux jours. Mais elle n'a jamais eu la curiosité d'ouvrir la gourde. Elle m'avait laissé entendre que grâce à la générosité de la Dina, elle n'avait pas besoin d'en connaître le contenu.
Le fait fut rapporté à Cheikou Amadou. Il se rendit à la demeure de la défunte et constata que la gourde n'avait pas été ouverte. Il ordonna de la laisser telle et désigna quelques cavaliers pour porter à Guéladio la succession de sa mère. Il y joignit une lettre ainsi rédigée :

« Moi Amadou Hammadi Boubou, par la grâce de Dieu imam de Hamdallay, au fils d'Hambodédio. Allah répand ses grâces et accorde le salut au sceau des Prophètes, notre Seigneur Mohammed le véridique, ainsi qu'à sa famille. Sache, ô Guéladio, que Dieu a rappelé à Lui ta pieuse mère. Elle est morte en paix et sur la voie de la rectitude. Je t'envoie, escortés par un groupe de cavaliers, les biens constituant sa succession. Celle-ci comporte, entre autres objets de valeur, une gourde scellée à la bouse de vache, que tu aurais offerte à ta mère avant de te séparer d'elle. J'espère que Dieu aidant, le tout te parviendra en bon état. Salut et condoléances de la part de tous. »

Guéladio reçut les envoyés, les logea et les nourrit convenablement. Il prit connaissance de la lettre de Cheikou Amadou et de l'inventaire de la succession. Il fut ému et surpris de retrouver la gourde d'or telle qu'il l'avait donnée à sa mère.
— Aurait-elle dédaigné l'or que je lui ai laissé ?
— Certes non, répondit le chef des envoyés. Mais ta mère a été transférée à Hamdallay et hébergée par Cheikou Amadou lui-même. En tant que bonne musulmane et femme de haute condition, elle fut entretenue aux frais de la Dina et n'a jamais manqué de rien. Elle n'a donc pas eu besoin de la réserve d'or que tu lui avais constituée.
— De ma vie entière, reprit Guéladio, je ne regrette que trois actes, dont je me mords les doigts jusqu'à la seconde phalange.
Avoir refusé d'écouter Cheik Sid Mahamman qui me conseillait de suivre Cheikou Amadou.
Avoir engagé une guerre folle, où mon frère a été sacrifié et où j'ai tout perdu en perdant le Kounari.
Avoir manqué de perspicacité et n'avoir pas décelé la valeur religieuse et la droiture civique de Cheikou Amadou.
Guéladio donna ensuite l'ordre aux envoyés de se préparer à partir. Il fit à chacun un cadeau magnifique et dit :
— Vous allez remmener tous les biens laissés par ma mère, y compris la gourde d'or. Vous direz à Cheikou Amadou que je verse le tout au beyt el mâl en faveur des pauvres. Puisse ce geste valoir à ma mère et à moi la miséricorde d'Allah le Clément.

Notes
1. arɗo (plur. arɓe dérive du radical ar- : idée de précéder, d'entrouvrir ; arɗo est le nom donné au doyen d'une tribu qui marche en tête et vient le premier en toutes choses. Les Peuls comparent en outre la Nature à une maison fermée ; le arɗo en entrouvre la porte pour que ses compagnon, puissent y pénétrer. Les Arɓe furent donc des guides avant de devenir des chefs ayant droit de vie et de mort sur leurs sujets. Le premier Arɗo du Macina fut Maghan ou Manga, venu du Kaniaga, à l'est du Kaarta, à la tête d'une fraction dissidente. Il reçut du chef du Bakounou, Baghéna Fari, l'autorisation de s'établir au lieu dit Macina. Les Peuls WuuwarBe, ceux du Farimaké et de Sendègué qui venaient depuis fort longtemps nomadiser sur les pâturages du Macina, se fixèrent autour de Maghan Diallo, dit Dikko, en qui Ils trouvaient un défenseur et un chef de même race qu'eux. Les Arɓe choisirent pour capitale Kékey, à 15 kilomètres nord-nord-est de Ténenkou. Tous les descendants de Maghan ont droit au titre d'Arɗo, et se font saluer du nom de Dikko. Mais seul le plus âgé de la famille est Arɗo du Macina, ou grand Arɗo, Arɗo Mawɓo. Le arDaaku est dignité de arɗo mawDo. On conserve le souvenir de vingt-six Arɓe qui se sent succédés au arDaaku ; vingt-deux sont enterrés à Kékey, un à Ségou, un près de Sossobé Togoro et le dernier, Arɗo Ngurori, à Hamdallay. Les Arɓe étaient animistes. Ils n'avaient pas de fétiches, mais accordaient une grande importance aux dires des devins. Leurs plaisirs favoris étaient la chasse, les razzias et la fréquentation des foires pour y boire de l'hydromel au son des luths et des flûtes.
2. Expression désignant les Peuls éleveurs de bovidés, généralement réfractaires à l'islamisme.
3. Le chef marka de la région, Kémon, résidait à Manga, sur le marigot de Kouakourou à Dienné, à 9 kilomètres sud de Kouakourou. Si le nombre de 502 ans est exact, la famille de Némon aurait pris le pouvoir au début du XIVe siècle, date tout à fait vraisemblable. A cette époque en effet le pays était aux mains des Marka, dont les chefs portaient le nom de manga.
4. Dans les villes, on vend dans les rues des bottes d'herbe, surtout de « bourgou » (Echinochloa stagnina) pour la nourriture des chevaux et des autres animaux domestiques qui ne quittent pas la concession de leur maître.
5. Cheikou Amadou donna en effet à Beidari Koba le commandement des RimayBe de toute la Dina.
6. Toggere Sanga se trouve sur la rive droite du Diaka à 10 kilomètres sud-est de Ténenkou ; Kombé est situé entre Koumbé Niasso et Oualo ; Wouro Nguiya à 75 kilomètres nord-nord-est de Ténenkou ; Saare Toumou sur la rive gauche du Diaka à 12 kilomètres est-nord-est de Ténenkou.
7. Voir chapitre 2, note p. 29.
8. Hambodédio avait épousé Ténen, fille de Da Monson. A la mort de Hambodédio, Ténen voulut se remarier avec Guéladio, conformément à la coutume bambara. En effet Ténen avait eu peur fils Ousmane Hambodédio, mais Guéladio était fils de Welaa Takkaade de Samanay. Guéladio refusa ce mariage que la coutume peule considère comme inceste. Ténen insulta Guéladio. Celui-ci la frappa. Elle alla se plaindre à son père Da Monson, lequel envoya Guéladio en expédition dans le Same persuadé qu'il y serait tué. Contre toute attente, Guéladio revint sain et sauf et couvert de gloire. Da Monson, depuis ce jour, tenait Guéladio en grande estime.
9. Sembe signifie force, puissance ; sembe Segu désigne de façon impersonnelle le roi de Ségou.
10. Cette première conversion d'Arɗo Ngourori n'était pas plus sincère que celle de Guéladio. Mais alors que ce dernier se rebelle contre Cheikou Amadou dans les conditions qui seront relatées plus loin, Arɗo Ngourori au contraire ne tarda pas à se convertir une seconde fois an toute sincérité. On ne sut donc jamais la raison de sa première conversion.
11. Arɗo Giɗaɗo était le fils d'Arɗo Amadou, mais en tant que chef de famille, Arɗo Ngourori pouvait le considérer comme son propre enfant.
12. Ce fut Bori Hamsala, résidant à Ténenkou, qui prit le commandement du Macina.
13. Fortune de l'état.
14. Les leçons coraniques sont écrites sur une planchette par le maître puis lues par celui-ci à haute voix. L'élève se retire ensuite avec la planchette pour apprendre le texte par coeur. Quand il le sait, le maître le lui fait réciter, puis écrit un nouveau texte à apprendre sur la planchette, etc.
15. Dans les écoles coraniques, les santaaji sont très jaloux de leur rang et ne le cèdent pour rien.
16. Jugga, exclamation poussée par celui qui obtient le premier une chose.
17. Au sujet du rôle joué par Cheik Sid Mahamman et Amadou Alfa Kondiadio, voir chap. X.
18. ngel bindi, celui des lettres. Alfa Nouhoun Tayrou était le fils d'un riche habitant de Dari dans le Fittouga. Il étudia d'abord vingt ans dans le Sahel, puis encore vingt ans auprès des Maures Kounta. Il entreprit ensuite le pèlerinage de La Mekka mais arrivé à Wourma, dont le Haoussa, il fut épris de l'enseignement d'Ousmane dan Fodio et voulut rester auprès de celui-ci. Au bout de quelques années Ousmane dan Fodio lui conseilla de retourner dans le Macina où il serait appelé à jouer un rôle religieux magnifique. Alfa Nouhoun Tayrou revint près des Kounta. Lorsqu'il fut envoyé comme secrétaire auprès de Guéladio, c'était déjà un homme âgé, mais sa carrière, devait se prolonger jusque vers la fin du régne d'Amadou Cheikou, c'est-à-dire au moins jusqu'à 1850. C'était le doyen de Hamdallay et une tradition prétend qu'il vécut jusqu'à l'âge de 120 ans. Ce chiffre est peut-être exagéré, mais il était de toute façon extrêmement vieux lorsqu'il mourut à son domicile de Niakongo. Son corps fut ramené à Hamdallay et inhumé à côté de celui de Cheikou Amadou.
19. Localité à 8 kilomètres au sud de Konna où Alfa Nouhoun Tayrou allait probablement prendre une pirogue pour Tombouctou.
20. Il est vraisemblable que Cheikou Amadou, sachant la réponse que Nouhoun Tayrou ne pouvait pas manquer de faire à sa première lettre, avait envoyé en même temps les lettres à Sid Mahamman. Ceci cadrerait mieux avec la suite du récit.
Cheikou Amadou avait, par courtoisie religieuse, ménagé les Kounta en qui il reconnaissait une vieille famille maraboutique. Il avait même promis au chef Kounta de lui envoyer, chaque fois qu'il en aurait l'occasion, un cadeau prélevé sur la part de butin destiné à l'entretien des savants. Mais il avait interdit aux Kounta toute immixtion dans les affaires de la Dina parce qu'il avait constaté que les Kounta se conduisaient parfois d'une manière peu orthodoxe, et que même si cette manière était conforme au droit ésotérique, elle choquait et allait à l'encontre du droit exotérique. Comme les Kounta ont toujours joui d'une réputation de sainteté, il était à craindre qu'ils ne soient initiés dans des pratiques qui, si elles sont admissibles pour l'élite, ne pouvaient mener la masse qu'au désordre religieux. Durant toute la vie de Cheikou Amadou, les Kounta sont restés dans leur pays et n'ont pas violé les conventions établies avec Cheikou Amadou. Comme on le verra, les relations étaient parfois assez tendues [cf. chapitre X].
21. Doukombo, localité à 5 kilomètres à l'ouest de Bandiagara.
22. La tradition reste nette sur la fin d'Arɗo Amadou. Il fut probablement livré par trahison aux marabouts, condamné à mort et décapité. Son corps aurait été jeté dans une mare du Mourari. Mais les circonstances exactes paraissent oubliées. Dans un tel cas, d'après la loi coranique, des marabouts restaient pendant trois jours auprès du prisonnier pour lui faire embrasser l'Islam. En cas de refus, il était exécuté le troisième jour. Son corps n'était pas inhumé et ses héritiers n'avaient pas droit à sa succession.
23. Néné, localité située à 8 kilomètres nord-ouest de Ténenkou.
24. Il s'agit des marabouts.
25. Iyyâ ka na' budu, c'est Toi que nous adorons (I, 5) : formule extraite de la sourate Fatiha, répétée par les musulmans dans leurs prières et qui sert à les désigner.
26. Une légende prétend qu'Alfa Nouhoun Tayrou aurait fait appel à Ali Soutoura, le génie auxiliaire de Cheikou Amadou. Ali serait allé à Néné et aurait réveillé Galo Séguéné en lui présentant un panier de braises et en lui disant : « Si tu ne t'en vas pas d'ici, je te crèverai les yeux avec ces braises. » Gala Séguéné, terrorisé, ne pouvait plus chanter, ni même jouer de son luth à quatre cordes, hoddu. Boubou Arɗo, voyant qu'il était le jouet d'un charme et devait abandonner tout espoir de vaincre, aurait donné une chaîne d'or à son maabo en lui disant : « Avec cet or, tu pourras vivre après moi. »
27. Grand conseil juridique.
28. Politique.
29. Le tekbir est la formule qui ouvre la période sacrée durant laquelle le fidèle se donne tout entier à l'accomplissement de la prière. Cette période dure jusqu'au salut terminal, taslima. Durant toute sa durée, les fidèles ne doivent pas interrompre la suite des actes qui constituent la prière sous peine de rendre celle-ci nulle.
30. Tiambadîo du clan Ba, était chef du groupe des YaalaBe, sous-groupe des 'UrurBe. Il était réputé pour sa bravoure et le seul capable d'affronter victorieusement les Touareg.
31. Illettré.
32. Localité à 7 kilomètres au nord de Hamdallay.
33. Barbé, localité à 12 km. Est de Mopti.
34. boule de beurre moulée entre les doigts ; au figuré, désigne que personne qui na jamais travaillé et qui s'effrondrerait sous l'effet de la fatigue comme le beurre sous l'effet de la chaleur.
35. Béléhédé, localité située entre Ouahigouya et Dori, à un peu plus de 300 kilomètres est de Hamdallay.

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