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Kaidara
Récit Initiatique Peul
Rapporté par Amadou Hampâté Bâ
Edité par Lilyan Kesteloot & Alfâ Ibrâhîm Sow

Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.


       Table des matieres      

Kaydara — Strophes 1520-1545

wii: « Saɗi iwɗo Kaydara leyɗe kaayɗe! »
Mi jowtii on mo jowti mi » wowli Hamma. 1520
« Ko ɗum woni leyɗe meeɗen kala kibaaru ?
Ko ɗum laareeji meen e nayeeɓe meen mbii ? »
Hammadi lamndoyii ɗum.
— « Nyeenyuɓe meen mbatii cili koyɗe limɗe
capan tati kara e cili tati ɗum ɓe kawri 1525
nde ceertata fuu ɓe dursitoyoo ma tinndol
biingol : Kanŋe waawaa loodde hersa. »
Hammadi yani e ngol tinndol na miila
no ngol foti luggiɗidde ; mo sikkitii nii
mo tuumi debbo makko fa kille taatu. 1530
Mo wiyani hoore makko:
— « Tuumo jaɓaali haalnude kam ko laaɓi.
Tawan debbam waɗii kam hersa keewɗo
maa tawa duu mo suutike yalti suudam
maa omo wondi ɗoon e suka-gorko makko. 1535
Taweede mi ɓooyoyii wonataa yo nganto
hono ɗee golle bonɗe monninaaɗe.
Kala fuu no warri han mi warataa e suudam
so naa taw waktu sirru njodom uraaɗo. »
Hammadi haɓɓi jeenay ɗaalli muuɗum. 1540
Mo doomoy jamma woɗɗi mo mooltii naati
hono baajol mo naatoy suudu makko,
ndu mo suppii nde diwnoo kakka makko.
Mo sooynii fooyre ana maja fooyre fitila.
Liccere mum yarii timmii nebam mum. 1545
Fooyre na fooɗa ɗemngal saa e saangaa,

Notes
a. saanga e saanga.

« Salut à celui qui rentre du pays mystérieux de Kaydara !
— Et salut à celui qui me salue, répondit Hammadi; quelles sont les nouvelles de notre pays ?
et que disent nos patriarches et nos vieux ?
questionna Hammadi.
— Nos sages se sont réunis
trente-trois fois
et chaque fois en chœur, ils répètent cette maxime
“L'or ne peut laver la dignité souillée” ».
Hammadi se mit à réfléchir sur tous les aspects
de cette pensée profonde, fut pris d'un doute
réprobateur sur la fidélité de sa femme,
et se dit en lui-même :
« Soupçon n'a pas voulu me parler clairement.
Ma femme, sans doute, m'a déshonoré gravement.
Peut-être a-t-elle même abandonné ma demeure
ou s'y trouve-t-elle encore en compagnie d'un amant 1.
Ma longue absence ne saurait être une excuse
pour une inconduite aussi monstrueuse.
Quoi qu'il en soit, je n'arriverai à ma maison
qu'à l'heure où se dévoile le jupon parfumé 2. »
Hammadi entrava ses neuf bœufs-porteurs.
Il attendit que la nuit avançât pour se glisser
comme une vipère et rentrer chez lui.
Il sauta par-dessus la palissade et marcha.
Il aperçut une flamme de bougie qui clignotait.
Sa mèche déjà avait bu toute son huile
et de temps en temps la flamme tirait la langue

Notes
1. On dit qu'« un homme qui n'est pas jaloux n'est pas un homme » pour signifier qu'il est humain de succomber à la jalousie ; l'adultère est sévèrement réprimé dans la société fulɓe ; cependant, il ne comporte pas de sanctions prévues et on se venge sur le tiers, non sur la femme; cela peut aller jusqu'au meurtre du rival. Mais il arrive aussi que des hommes vraiment supérieurs se maîtrisent assez pour ignorer le fait et « referment la porte » s'ils ont surpris le secret de l'adultère.
2. Il s'agit d'un petit pagne, le seul que la femme peut garder au lit avec son mari ; de même, si l'homme se couche avec son pantalon, sa femme a le droit de l'accuser devant les anciens. La vie conjugale est réglementée par tout un code où la délicatesse des gestes révèle celle des sentiments ; par exemple, la femme doit se parfumer sous peine de « ressembler à un homme » et de déplaire ainsi à son mari ; d'autre part, la femme peut demander des explications si son mari tourne régulièrement le dos ; en principe, celui qui veut se retourner prévient son voisin et lui en demande la permission. Enfin, l'acte sexuel qui est considéré comme sacré est également règlementé de façon stricte.