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Kaidara
Récit Initiatique Peul
Rapporté par Amadou Hampâté Bâ
Edité par Lilyan Kesteloot & Alfâ Ibrâhîm Sow

Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.


       Table des matieres      

Kaydara — Strophes 1455-1480

Cummboowo wii:
— « Ko mbii-mi mi waawataa jaɓa kokku-ɗaa kam. 1455
Nyedduɗe ɗiɗi ndewaa-mi kokkataa kam.
Hokkam ɗee ne dammaa donngele jeegom. »
Nde Hammadi yeeŋi laana nanngi kaakol,
mo hebbini laabi ɗiɗi faa heewi kanŋe,
mo hokki cummboowo nanngiri kanŋe juuɗe. 1460
Ndeen cummboowo nanngiri kanŋe juuɗe,
mo ɓami sasa makko soortoy laɓi e ley mum
mo yuldi ki laana makko mo yoppi yoolii.
Mo toowti mo jooɗoyii dow fonngo maayo,
mo yani omo tanka bookea baleeje tanka, 1465
mo moɗi hen tanke sappo e ɗiɗi faa yooltii.
Ndeen wa'i reedu makko no uure loownde,
mo nirkiri nyaamo makko reedu makko,
mo nirki ndu sanne nii faa reedu hoondii
ndu huɓɓi no jomre faa lewlewndu toowi. 1470
Mo ummii ŋabbi maayo mo yaɓɓa yaade
omo yaha dow ndiyam ɗam hono yo leydi.
Kanŋe mo Hamma hokki mo oo e junngo.
Nde mo yottii to hakkunde maayo ngoo wii:
— « Ee maa njamndi teddundi coggu iwndi 1475
ley luggeendi leydi, mbirfitaa toon!
Onon suuɗiiɓe doomuɓe keeri leyɗe
yaamana-juuju janngal moon yoɓaama,
kala jaltinoowo kanŋe ko haani yoɓde.
Hammadi koo yoɓi ana waawi nafiroo 1480
ndimri e jamɗe laatike jawdl makko. »
Ndeen cummboowo wii nii wonti henndu
duluuru mo laatoyii yoolii e maayo.
Hammadi tannyorii ngoo junngo maayo

Notes
a. Emprunt au bambara boxo (boue).

Le passeur répondit :
« Je dis que je ne peux accepter ton offre.
Les deux mesures que tu me dois, donne-les moi,
je les accepte; mais conserve tes six charges ».
Lorsque Hammadi sortit de la barque, il prit la mesure
et la remplit deux fois de pépites d'or,
les remit au passeur qui les accepta.
Dès qu'il eût pris l'or, du fond de sa besace
le passeur sortit un couteau
dont il fendit sa barque et la laissa couler 1.
Il se releva et s'assit sur la rive du fleuve.
Il se mit à pétrir de la vase noire,
avala une douzaine de boulettes 2 et s'enfla.
Son ventre alors devint proéminent comme abcès mûr.
À l'aide de sa main droite, il le frotta.
Il le frotta si fort que le ventre s'alluma 3
et tout son corps devint une flamme vive qui s'éleva.
Il se leva et se dirigea vers le fleuve en marchant.
Il marcha dessus l'eau comme sur de la terre ferme
en tenant dans sa main l'or payé par Hammadi.
Quand il parvint au milieu du fleuve il dit
« Ô métal de grand prix provenant
du sein de la terre, tu y retourneras !
Et vous, gardiens invisibles des frontières du pays
des génies-nains, votre dîme que doivent payer
ceux qui sortent l'or, a été acquittée.
L'ayant payée, Hammadi désormais pourra jouir
du reste de son métal devenu légitime 4 ».
Après avoir dit cela, le passeur devint vent
cyclone et s'enfonça dans les flots.
Hammadi ne douta plus que ce bras de fleuve

Notes
1. Il supprime ainsi, pour Hammadi et l'or qu'il emporte, le moyen de retour au pays de Kaydara.
2. Manger de la terre est du symbolisme obscur ; le sacrificateur goûte en général la terre ; de même, il est recommandé aux femmes enceintes de manger un peu de terre.
3. Est-ce le feu né de la terre mangée que l'eau éteindra à son tour ? De nouveau allusion au processus de destruction par entre-dévorement des éléments.
4. En effet, pour que l'or de Kaydara ne soit pas arraché par les esprits du pays des nains, il faut leur en rendre la graine. La possession de l'or sacré sera ainsi « légitime » et Hammadi pourra en jouir. Un dicton populaire dit, au sens exotérique, « Si le pauvre n'a point une part dans la fortune, la fortune fondra et retournera dans la terre » ; ceci pour inciter les riches à la charité. La dîme est donc, ici, cette semence qui va repousser.