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Kaidara
Récit Initiatique Peul
Rapporté par Amadou Hampâté Bâ
Edité par Lilyan Kesteloot & Alfâ Ibrâhîm Sow

Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.


       Table des matieres      

Kaydara — Strophes 790-810

Yo min ɓii henndu, terde cuurki dow mbeeyu koɗ-mi koo!
Miɗo naawa doon faa toowa ɓii Aadama yiya
gite wiirnoyii ee ɗannoyiibe ɗalee dukooa.
ƀalee daaɗe mooɗon leyɗa ko on kewtiima.
Kala maale njii-ɗon ɗee wanaa baayte ngarroyaab 790
Dame cuuɗi keewɗi mutii ɗe njoolori hoynude,
hono keewɗe ana fay halkoraade sabaabu mum.
Walaa fuu ko keddanii on so naa naadde luumnduc nduu,
nanee kayru woni sappoo e ɗiɗaɓuru maale ndaa
gure leyde yaamana-juuju, sakitiinde maale fuu. » 795
Yo ndeen banŋe kokowol omtoyii ngayka njaajuka
ka hoontoy e nokku ɓutaaɗo kuudiiji comnuɗid
kuudiiji buubi e borde pallaade jilloyii
nder doodi pobbi e gaɗɗe waasuuji ɗuuɗuɗi.
Hammadi kanyum e yiɗiraaɓe naatoy ngayka kaa 800
ɓe nyiddaali fay hono nii, yo ndeen ngayka waylitii
ka wontoy waɗaa ndaa suudu mawnundu weɗɗitii.
Uuraa uuri ukkitii aafoyaa joonde kanŋe dimo
ana jooɗoyii dow mayre poofoowo jom ko'e
ko'e jeeɗɗi sappo e juuɗe ɗiɗi ɗum nii jogii 805
kaa koyɗe mum yo capanɗe tati ɗum limtoyaa.
Homo oo? Yo ceekudo aadi oo woni Kaydara
bayloowo mbaaki no muuyri ngooti jogaaki fey.
Hammadi heɓɓitii wii:
— « Minen min ɓiɓɓe Aadama min dahaaɓe; 810
ko dahi min semmbe mawɗo mehaaɗo;
ɗowii min waddi faa ɗoo, min jiyaaɓe.

Notes
a. La voyelle finale est allongée dans la chanson.
b. La forme initiale est ngaɗ(i)royaa du radical verbal waɗ-.
c. suudu est sous-entendu ; par ailleurs, la forme luumndu provient du radical verbal luuɓ (sentir mauvais) ; la forme initiale était luuɓundu qui devint luuɓ(u)ndu, puis luuɓndu et enfin luumndu.
d. La forme primaire était coɓ(i)n(u)ɓi, coɓnudi elle-même dérivée du radical verbal soɓ- exprimant l'idée d'impureté, de souillure…

« Je suis sylphe, mon corps est vapeur, j'habite l'éther !
je plane si haut que je me dérobe à la vue
des fils d'Adam ! O voyageurs, évitez de crier.
Tâchez désormais de parler à voix basse.
Les symboles que vous vîtes n'ont pas été faits en vain.
De nombreux clans ont été engloutis et noyés, pour les avoir méprisés 1
et de nombreux autres seront anéantis pour la même raison.
Il ne vous reste plus qu'à entrer dans la case nauséabonde
qui, sachez-le, constitue le douzième symbole des contrées
des génies-nains, le terme de tous les signes. »
Ce fut alors que près du mur un large trou s'ouvrit,
débouchant sur un lieu rempli d'immondices 2 :
chiures de mouches et cordylées de lézard mêlées
aux laissées d'hyènes, aux excréments de nombreux fauves.
Hammadi et ses amis pénétrèrent dans le trou.
Ils ne manifestèrent nul dégoût et le trou lors changea.
Il devint semblable à une vaste pièce au sol tapissé.
Un parfum pénétrant l'envahit, un siège en or pur fut disposé
sur lequel trônait un être humain
à sept têtes 2, douze bras 3, et en outre pourvu
de trente pieds 2 dénombrables.
Qui était-ce ? Kaydara 4 le surnaturel
qui change de forme à volonté et dont chaque forme est unique.
Hammadi réfléchit et dit :
« Nous sommes des fils d'Adam conquis
par une force souveraine et secrète;
nous fûmes assujettis, guidés et menés jusqu'à ces lieux.

Notes
1. Cela est destiné à souligner la force de la tradition.
2. Cette épreuve fait perdre aux initiés ce qui leur reste de matérialisme; ils ne doivent manifester aucun dégoût; il leur faut dompter leur réaction naturelle et surtout ne pas se plaindre, tel cet enfant d'un conte peul qui, pour avoir réclamé contre la malpropreté de la maison d'un génie, reçut, au lieu de trois œufs merveilleux, trois oeufs maléfiques qui produisirent des calamités au lieu des bonheurs qu'on en attendait.
3. Les sept têtes correspondent aux sept jours de la semaine, aux sept étoiles du grand et du petit Chariots, aux sept ouvertures physiques de la tête; les douze bras aux douze mois de l'année (dans la tradition cabalistique, ce sont aussi les douze côtes de chaque flanc du corps d'Adam); les trente pieds correspondent aux trente jours du mois.
Tel qu'il se présente, Kaydara serait la structure même du temps. C'est pourquoi il tourne sans arrêt sur son trône et qu'il « fait le grand soleil » car on dit que c'est le soleil qui commande au temps.
4. La forme sous laquelle le dieu Kaydara apparaît aux trois voyageurs est une représentation du cosmos qui leur reste tout à fait incompréhensible.