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Kaidara
Récit Initiatique Peul
Rapporté par Amadou Hampâté Bâ
Edité par Lilyan Kesteloot & Alfâ Ibrâhîm Sow

Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.


       Table des matieres      

Kaydara — Strophes 570-595

Gorel yoga neɗɗo noon yoga muni yo mbooddi
diccinii wii ɓe : « Jam Jaɓɓiima ɓiɓɓam! 570
Moƴƴere naannu on nder suudu am nduu;
tinnee ndonto pati duumaare yalta. »
Taton giƴiraaɓe keddii anni lamndoo
ko ɗum waɗi koyɗe mbooddi wanyoy ndia yalta.
Keɓaali e hoore maɓɓe jawaabu lamndii. 575
Juhi tan ndonto fiiroy weeyi yalti.
Worɓe taton ndi diwi faa hewti yaasi.
Gorel nayewel tawii tewtoyno nyaamdu.
Warii tawi hoɓɓe muuɗum ana maaya hersa.
Sabu dee foondu diwi faa hewti yaasi. 580
Gorko mawɗo wiyani ɓe:
— « Hono waɗi on taton kala njeebi-ɗonno
fa ndontoori ndii heɓi yalti yaasi ?
Mi nekkii on njohonb nanngonno ndonto
pati danya hewta ley boli saare sarkoo. 585
Taton giƴiraaɓe ummii fa maɓɓa ndonto.
Ɗoon nu ndonto waylii wonti njawdi
luwe ana mblidinii ɓoccooɗe ɓutte
fa cukkaa teyfe basi ɗiɗi takkaa so loowaa.
Ndi heddii na jagga dow nay koyɗe mayri. 590
Taton yiɗiraaɓe ngarti e gorko mawɗo
be mbii : « Ee abba baajol! ndaa ko min njii.
Ko min ceedii mugii min haƴƴinii min.
Nanii ndontoori maa wayliima njawdi,
wonii kalaldi wolwoldeeri buuran. 595
Darii e damal na faddii ɗoon na falkii
heɓataa gooto ley dumaare naata. »
Mawɗo ɓadiima nyammini hoɓɓe mum ɓee.

Notes
a. Désigne ndontoori et non pas mbooddi comme le contexte du vers pourrait le faire croire à tort.
b. njahon ou njehon; il y a eu assimilation progressive.

Alors le petit homme mi-homme mi-serpent 1
calmement leur dit : « Bienvenus mes enfants !
Entrez en paix dans cette mienne maison ;
veillez à ce que le coq dans la cour point ne sorte. »
Les trois amis restèrent à se demander pourquoi
le serpentiforme ne voulait pas laisser sortir le coq.
Dans leur tête, point de réponse à ces questions.
Les surprenant, le coq s'élança, s'envola et sortit.
Au-dessus des trois hommes, il passa et parvint au dehors.
Le petit vieux était allé chercher des vivres.
Il revint et trouva ses hôtes se mourant de honte.
L'oiseau en effet s'était échappé à l'extérieur.
Le vieil homme leur demanda :
« Comment se fait-il qu'à trois vous soyez négligents
au point de laisser le coq accéder au dehors?
Je vous somme d'aller quérir le volatile
avant qu'il n'arrive et ne fuie dans la rue.
Les trois amis se levèrent pour se saisir du coq.
Alors il se métamorphosa et devint un bélier
aux cornes retroussées et aux bourses géantes
comme deux coussins collés avant qu'ils soient bourrés.
Il se mit à bondir sur ses quatre pattes.
Les trois amis revinrent vers le vieil homme.
« O vénérable père! regarde ce qu'on a vu, dirent-ils.
Nous avons assisté à une scène stupéfiante.
Sache que ton coq s'est transformé en bélier.
Il est devenu un mâle ovin, énorme et effrayant.
Debout devant la porte, il y attend menaçant.
Nul ne peut entrer dans la cour. »
Le vieil homme, à ses hôtes, servit à manger 2.

Notes
1. L'hybridité, comme toute difformité ou étrangeté d'ailleurs, est toujours significative dans les légendes africaines; si la coutume et l'ordre naturel sont ainsi troublés, ce ne peut être gratuitement. D'autre part, l'hybridité a ses lois . ainsi, dans le phénomène de « l'animal-humain soudé à l'animal-animal », la partie supérieure étant plus proche des choses nobles que la partie inférieure, il n'est pas indifférent que ce soit l'une ou l'autre qui soit animalisée : ici, chez l'homme-serpent, le fait que ce soit ses pieds qui sont animalisés est signe favorable, car il est « supérieur dans le supérieur », autre ment dit sa tête est humaine : c'est donc un initiateur qui soumet les voyageurs à l'épreuve. Mais on connaît aussi, chez les Fulɓe, l'homme à tête de lion (symbole de la royauté, de la force) ou l'homme à tête de taureau (initiateur pastoral). Cette loi ne semble donc pas rigoureuse.
2. Trois repas, trois nuits, trois jours. Encore la référence à la triade.