webPulaaku


Layteere Koodal e Lootori
L'éclat de la grande étoile
suivi du Bain rituel
Récits Initiatiques Fulɓe de Amadou Hampâté Bâ

Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.


       Table des matieres      

Layteere Koodal — Strophes 1294-1304

wara e leydi, jaaloo kala jooɗoo.
Ta wurwu huunde tawa ende nii deemti. 1295
Ko delƴi fuu so ɓooyii yuppoyto.
So tawii jaayɗo toowii dow ɓurɓe
naatoyii e ley ɓee ana wuuloo,
ko haani kaa mo warta e ley ngeenga,
mo humoo yaɓɓa laawol toɗɗaangol. 1300
Kala kaliiɗo ngol ŋarri so toowii,
ɗum yo ngoonga, wati luutta ngoonga.
Saaa tawli caahoyiiɗo e ley jaayɓe,
taab henyana ittoyaa mo e ley maɓɓe
cela arrive sur terre, domine tout et s'installe 1.
Ne baratte pas une chose qui se trouve en repos.
Tout ce qui bouillonne, à la longue déborde.
Si un vaurien culmine au-dessus des sages
ou parmi eux pénètre et nage en tous sens,
il faut qu'il revienne à sa juste place
et s'apprête à fouler la route prévue pour monter.
Tout homme accompli qui la gravit pour s'élever
est dans le vrai; ne contredis pas la vérité.
Si tu trouves un sage parmi les vauriens,
ne te presse pas de l'en soustraire
Notes
a. Il s'agit d'une composition obtenue à partir de so (si, quand) et de a (tu).
b. Le complexe taa est formé de la particule to exprimant la défense ou la négation devant les formes verbales à l'injonctif ou au désidératif et du pronom-sujet a (tu).
Notes
1. S'agit-il encore d'un déterminisme ou d'une précréation? Les Fulɓe disent : « Pour qu'on existe sur cette terre, il faut d'abord qu'on ait existé dans le grenier de Geno (beembal) ». La terre est considérée comme un lougan (un champ) où tout doit être planté ; il en est de même pour les événements : tout s'y trouve en germe, et « si vous connaissez hier et aujourd'hui, vous saurez demain » ; ainsi « la trame du tisserand est l'avenir, le tissu tissé est le présent, le tissu tissé et replié est le passé ».
Tierno Bôkar, le mystique de Bandiagara, parlait de prédestination générale avec libre arbitre individuel, comme celui du voyageur qui est monté dans un train. Toutes les techniques de divination relèvent évidemment d'une théorie d'une prédestination des individus et elles sont abondamment pratiquées dans la société pullo ; il est d'usage courant qu'une femme enceinte aille trouver le silatigi pour demander que l'enfant qui va naître ne soit pas malchanceux ; la connaissance de son destin pourra en effet permettre de prendre certaines précautions, de procéder à des purifications, des sacrifices et de donner une éducation qui pourront atténuer la rigueur du sort. De même, en cas de prédiction d'un mariage néfaste, si la trame du projet est mauvaise, on peut ne pas réaliser ce projet, ou encore conjurer le sort par des sacrifices et des purifications ; c'est là que joue la liberté de l'homme. Dans la coutume pullo, chaque fois qu'un malheur est prédit, on préconise des aumônes, des rites pour conjurer le destin ; on voit donc que cette théorie du fatum n'entraîne pas une attitude fataliste ; l'homme animiste a, à sa disposition, toutes les ressources de la magie pour lutter contre le mauvais sort, auxquelles il ajoute, selon qu'il est islamisé ou christianisé, les forces spirituelles des versets coraniques ou de la prière. Mais quel est l'avis de la pensée pullo sur les envoûtements qui sont enchaînements de la volonté ? Elle n'en nie pas la puissance, mais estime qu'un homme dont les trois pierres du foyer mental (pensée, volonté, action) sont en bon équilibre, est à même de résister à ces enchaînements : « l'homme qui a coutume de fermer le poing, le pouce à l'intérieur, n'a pas de volonté, il fait comme le bébé ; le jour où il serre le poing le pouce à l'extérieur, il a la volonté », et en particulier celle de se dresser contre les pressions des sorciers, des Génies ou du destin néfaste.
L'Islam a, sur cette question, une opinion un peu différente surtout dans son expression : « Dieu créa deux Tables contenant les rescrits divins : la Table Mahfuz, et la Table Maknun. Le destin écrit sur Mahfuz peut être connu des anges, des prophètes, des saints et de tous ceux à qui Dieu a ouvert la vue intérieure ; les rescrits figurant sur cette table sont considérés comme une prédestination ; cependant ils sont conditionnels : les conditions sont inscrites sur la Table Maknun, dont Dieu seul a le secret ; ainsi un saint peut lire sur la Table Mahfuz : “David sera roi”; mais la condition se trouve sur la deuxième Table : …“si David fait ceci et ne fait pas cela”. Et Dieu seul peut le savoir. »
defte/ahb/koodal-lootori/koodal-2223.html