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Kaidara
Récit Initiatique Peul
Rapporté par Amadou Hampâté Bâ
Edité par Lilyan Kesteloot & Alfâ Ibrâhîm Sow

Classiques Africains. Paris. Julliard. 1969. 181 p.


       Table des matieres      

Kaydara — Strophes 20-40

so mo fina fajiri maa duu jemma leloyoo. 20
Bulii gite makko, ŋari kiin nannyiniia mo
faa Hamtuudob fappitorii e gootolc
ɗatid tati paaɗi boowal nde mo tinaali.
Ko yaaɓata teppe muuɗum due mo nanaali.
Noon Hamtuudoc duu ŋari fooyre fajiri 25
mo duule gaɗaaɗe baage jeɗaaɗe ɗuuɗɗe
ɗe nanndi e suudu laamu sukaaɓe cinkaa
fa kawra e ummagol kaanankef laamɗo.
Gite Hamtuuɗo teeroyg teetorii ɗum
Noppi dahaama ŋari kii siiroyii ɗum. 30
Mo ronkii yiide aadeeh ardimaai mo.
Nde ɓooyoyj seeɗa, Demburu darii e luunde.
Mo sooynii ɓe ɗiɗon artii mok warde
so naati e feeyo ngoo fay tinondiraali
no ɓe poti nannyireede ɓe keptinaalil 35
Ɗoon Hamtuudo eewnii : « Ɓiɓɓe yaayam!
turee faa leyɗa haya koo korga laamɗo
mo wooterem aniyiima hunyoyde kuurle.
Cuurki kaɗoyki gite mon yiya na ummoo
Laamɗo mo juuɗe ujune ɗelmitooje. » 40
Ko wonnoo siiri ɗaltoyn worɓe ɗiiwti.
Ɗiɗon kala tottitii faa ndaara kaalɗo.

Notes
a. Cette forme verbale est issue du radical naj- connotant l'idée de damnation et de perdition. La forme nannyinii a été obtenue de la façon suivante : à partir de najinii : naj(i)nii donna najnii qui lui-même devint nanynii et nannyinii selon le processus classique apocope-assimilation-gémination.
b. L'allongement vocalique est dû aux besoins rythmiques du vers.
c. laawol est sous-entendu.
d. ɗatal au singulier (classe ngal) fait son pluriel en ɗati (ɗi) dans ce dialecte au lieu de le former en ɗate (classe ɗe) comme dans la plupart des autres dialectes.
e. Raccourci pour la nécessité du rythme.
f. Ce lexème d'origine étrangère serait emprunté au soninké.
g. teeroyii devient teeroy à cause du rythme; toutefois, cela ne gêne point la communication, le contexte aspectuel étant indiqué par teetorii qui reste coordonné à teeroy ; on rétablit facilement teeroyii ɗum teetorii ɗum.
h. aadee : ɓii Aadama, neɗɗo gimɗo (yimɓe au pluriel).
i. Issu du verbe ardaade; ardiiɗo mo; comparer avec ardike que l'on emploie dans d'autres dialectes et d'autres contextes.
j. ɓooyoyi.
k. artiiɓe mo warde. La forme verbale d'origine est aditaade.
l. Forme verbale issue de heɓ où [p] s'est substitué à la labiale préglottalisée dont la réalisation est difficile; la forme correcte serait heɓitinaali ou heɓtinaali en raison de l'instabilité de la voyelle de liaison du morphème factitif -in- qui s'élide couramment.
m. yiitere (ou yitere dans certains dialectes) est sous-entendu.
n. ɗalitoyi, ɗal(i)toyi ou ɗaltoyi devient ici ɗaltoy pour des besoins d'ordre rythmique.

quand il se lève avec l'aurore et se couche avec la nuit.
Les yeux troublés, Hammadi dans cette beauté fut perdu
et Hamtuudo 1, débouchant par l'une des trois routes 2
qui menaient au carrefour, il ne le distingua point.
Il n'entendit même pas le martèlement de ses pas.
De même, Hamtuudo fut séduit par la splendeur de l'aurore
aux nuages innombrables mêlés de féeries
et semblables aux serviteurs de la maison royale
parés pour assister au lever du grand monarque.
Les yeux de Hamtuudo en furent saisis et ravis
Ses oreilles furent captivées ; cette beauté l'ensorcelait.
Il ne put voir l'homme qui marchait devant lui.
Un peu plus tard, Demburu s'arrêta à la croisée des chemins.
Il fixa les deux hommes qui l'avaient précédé,
arrivés sur la place sans même s'entrevoir
et si fascinés qu'ils n'en revenaient pas.
« O fils de ma propre mère! s'écria Hamtuudo,
inclinez-vous bien bas car la grande servante
du Roi Borgne va soulever les voiles de fumée
qui empêchaient vos yeux de voir se lever
le Roi aux milliers de bras luminescents. »
L'enchantement les quitta, ils revinrent à eux-mêmes.
Les deux hommes se retournèrent pour voir qui leur parlait.

Notes
1. Hamtuudo et Demburu sont des noms de captifs; respectivement captifs de Demba et captif de Hammadi. Dès le début de l'aventure, il y a donc différence entre les personnages; et tout leur comportement sera affecté de cet indice de leur origine ; Hammadi seul se conduira comme un noble.
2. Référence à la triade pullo ; il y a en effet trois sortes de pasteurs: ceux qui paissent les caprins, ceux des ovins et ceux des bovidés; 3 est aussi un chiffre très ésotérique comme 2, 7, 1 1, 12 dans l'initiation pullo; il y a, dans ce seul récit, 3 voyageurs, 3 pierres du sacrifice, 3 charges d'or, 3 conseils. On dit que 3 est le produit de l'inceste de « lui et de sa chair », car l'unité est hermaphrodite et copule avec elle-même pour se reproduire.