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Les Fulɓe dans notre Afrique
Le Monde Colonial Illustré. 16e année. No. 174, décembre 1937. p. 288

Texte et croquis par G. Vieillard


Ils sont quatre bons millions, dont moitié aux Français, moitié aux Anglais. Elément intéressant par le nombre, le rôle économique el la valeur intellectuelle. D'où viennent-ils ? Le passé. Le présent.

Parmi les Soudanais de l'Ouest africain, les gens de langue pular (Fulɓe, Toucouleurs et leurs serfs) sont un élément intéressant par leur nombre, par leur rôle économique, par leur valeur intellectuelle. On en compte :

Ils sont nombreux également en Guinée portugaise, en Afrique centrale (Tchad) et jusqu'au Soudan anglo-éyptien ; soit quatre bons millions, dont moitié auxFrançais, moitié aux Anglais, répandus dans le Soudan occidental, et les seuls à y parler une langue commune, qui leur permet de communiquer d'un bout à l'autre de nos possessions. Leur rôle dans le peuplement de l'Ouest africain a été et sera considérable. Ces mulâtres, de plus en plus mélanisés, sont un des principaux éléments dans le feutrage d'humains, pilonné par les invasions, blancs, bruns, noirs, entre le désert et la forêt ; ici, comme presque partout, la flore humaine n'est pas un verger de races pures, mais une tourbière de variétés métissées.

Dans ce chaos, l'apport blanc, qu'on le nomme “proto-pullo”, “chamite” ou “lybien”, a été important : on lui doit l'affinement des races soudanaises.

« L'histoire de l'Afrique, c'est l'histoire des peuples chamites et leur action réciproque sur les types africains les plus primitifs, nègres et Bochimans. » (Seligman, Races of Africa.)

Les neuf dixièmes des boeufs, à bosse et sans bosse, de l'Ouest Africain sont à eux. Dans un pays de gens jusqu'ici mal nourris, parce que végétariens, les producteurs de lait et de viande auront une importance de plus en plus grande. Sahel et Soudan offrent à l'élevage des pâturages immenses : quand la question du foin et des points d'eau sera résolue, le Soudan sera pour les boeufs un nouveau Far-West, et nos « Peaux Rouges » Fulɓe, qui ont, eux, domestiqueé leur bison, trouveront un emploi dans une Afrique rationnellement aménagée.

Les Fulɓe furent, à l'origine, une race blanche. Purs, mulâtres ou négroïdes, ils gardent de leur ascendance blanche une supériorité intellectuelle indéniable. Cette intelligence n'a pas encore travaillé dans nos voies ; elle n'a nourri que des rêveries de bergers paresseux, contents de eu une érudition théologique à nos yeux stérile ; des intrigues politiques qui leur avaient assuré la suprématie sur les noirs. Pourtant, ils ont déjà dans l'armée, le commerce et l'administration, des auxiliaires encore trop rares, mais parfois excellents. On peut espérer qu'une politique adroite ralliera enfin ces réfractaires. En Nigeria du Nord ils fournissent la majeure partie de rouages de l'administration, de la police et de la justice : une gazette, les Northern Provinces News, est rédigée en pular et en haoussa.

Autrefois

Dans le passé, qu'ont-ils produit ? Des pasteurs, des guerriers, des éleveurs de serfs nègres, des membres fervents de la communauté musulmane. Sauf la première, ces « spécialités » les préparent mal à entrer dans la cité franco-africaine ; mais pouvait-on leur demander plus, dans une Afrique alors assez semblable à la Germanie du Ve siècle ? Reprochons-nous aux Francs de Clovis de n'avoir connu ni l'imprimerie ni les assurances sociales ?
Sous tous les climats, les hommes ont peiné pour vivre et faire vivre leur géniture, selon l'enseignement de leurs pères et les conditions du milieu. Il est vain de dresser un palmarès. Les institutions, les recettes de vie ont toutes été légitimes et viables : celles des sociétés soudanaises leur ont permis de subsister malgré famines, maladies, massacres, mais elles ne sont plus adaptées aux conditions nouvelles créées par la solidarité planétaire, irrésistible et d'ailleurs désirable. Les Fulɓe peuvent regarder leur passé avec fierté, mais sans regrets.

Des pasteurs

Pasteurs, et rien que pasteurs ; leur seul cadeau à l'Afrique, c'est le troueau ; la culture matérielle ne leur doit rien ; il est peu de peuples plus dénués d'arts et de techniques : les vaches et les brebis, les recettes pour les élever, un système de campement, le kraal circulaire, c'est tout ce qui leur appartient en propre.
Il y a d'habiles artisans de langue pular, mais ce sont des gens de caste ou des serfs spécialisés, vivant en symbiose avec des maîtres Fulɓe.
Si peut-être, ils ont un objet bien à eux, le « mbeɗo », ce disque de vanneries spiralée, coiled basket work, qui sert à couvrir les vases à lait. Orné d'un décor rayonnant à soleil central, noir ou rouge sur fond paille, ce couvre-plat se retrouve au nord du Sahara, du Maroc au Debel Druze. C'est pour les femmes l'équivalent de nos ouvrages de dames, tricot et broderie. Pour tout le reste outillage, armes, meubles, logis, vêtements, etc, les Fulɓe n'ont fait qu'adopter la culture matérielle des peuples qu'ils ont envahis, en l'améliorant parfois.

Des guerriers

Car les « nourrissons de la vache » qui avaient des loisirs, se sont laissé tenter par de nouveaux destins : longtemps païens têtus, les derniers à se convertir au Soudan, l'Islam les enflamma comme il avait enflammé les Bédouins du VIe siècle, et nos nomades se ruèrent à la conquête de terres où ils avaient vécu jusque-là en hôtes modestes.

Berger-anynoowo Niger
Berger du Niger
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Berger Pullo. Fuuta-Jalon
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Berger de Komba. Fuuta-Jalon
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Bergère de Taroodi
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Bergère de Taroodi
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Bergère du Fuuta-Jalon
Bergere - aynowo FJ 2
Bergère du Fuuta-Jalon