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Layteere Koodal e Lootori
L'éclat de la grande étoile
suivi du Bain rituel
Récits Initiatiques Fulɓe de Amadou Hampâté Bâ

Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.


       Table des matieres      

Layteere Koodal — Strophes 852-871

inndoyoowo kala fuu maa soowa,
mo soowoyaali fun hiisee e ɗaayɓe,
yimɓe jaayɓe maa duu neetarɓe.
Kanje ɗiɗi de soomraa teewa mawɗo, 855
dote kanyum e buse kuuri e majje.
So wanaa kanje ɗiɗi, dame kala keddiiɗe
ngoni e hoore, homo kala ana yiya ɗe.
Ɗe jeeɗɗi mawɗe hono yontere hiisaa.
Laamɗo yimɓe kala wiyetee hoore, 860
sabu ko teddi kala ɓurataa kayre;
kala biyaaɗo hoore mo jogitaama
wonde hunduko gite noppi e hinere
fedde makko nde mo ardii laamii.
Laamɗo toowra hakkille e faamu; 865
fedde makko heetta mo ley ɗowtoo.
Kanko nanata yiya meeɗoya faama,
ko uuri maata, luumngol dunyab.
So lamɗo ronkoyil ɗum laamiima,
mo saama leyda ɓe mo laamii njarta, 870
nyinha mo ɓooya, ɓoccitoyoo muurta,
qui veut les désigner doit user d'euphémismes 1;
qui ne le fait pas est compté au nombre des impertinents,
des gens vils ou encore sans éducation.
Ces deux portes, une épaisse chair les dissimule,
fesses et cuisses les masquent 2.
Hormis ces deux-là, toutes les portes restantes
se trouvent dans la tête et visibles de tous.
Elles sont sept, importantes, du même nombre que les jours de la semaine.
Qui commande à tous est appelé « tête »,
car il n'est rien de plus respectable qu'elle ;
quiconque est appelé « tête », est considéré comme
étant la bouche, les yeux, les oreilles et le nez
du groupe qu'il guide et commande.
Un chef doit être grand en savoir et en intelligence 3 ;
ses compagnons sont ses subordonnés et lui obéissent.
C'est lui qui entend, voit, goûte et comprend ;
ce qui embaume, il le sent; la puanteur, il la repousse, la rejette.
Si un chef incapable de cela a le commandement,
il tombera, sera humilié; ceux qu'il gouverne se rebelleront,
le blâmeront, à la longue lui échapperont et se révolteront ;
Notes
a. Ce substantif se lira tew, forme orale obtenue après l'élision de la voyelle finale de teewu qui détruit l'équilibre cvvcv du terme et le réduit à cvvc où c final, n'ayant plus de support vocalique, déclasse vv en v et transforme le terme en cvc, plus commode à prononcer et plus équilibré.
b. Cf. note b, vers 847.
Notes
1. On ne parle clairement des « portes inférieures » que lors de l'initiation au mariage où sont développés tous les éléments de l'acte sexuel.
2. On dit : « avec ou sans vêtement, on peut toujours cacher son sexe. »
33. Cette conception du pouvoir est celle du arɗo du clan primitif, qui est à la fois le guide pastoral qui dirige la transhumance, et le chef religieux, initié ou silatigi ; nous ne sommes pas encore dans une société où le arɗo a changé le bâton du guide contre la lance du conquérant. Depuis qu'ils ont quitté Héli et Yôyo leurs villes mythiques, les Peuls se sont mis en marche, conduits par des guides qui les précèdent pour s'assurer qu'il y a de l'eau, qu'il n'y a pas de fauves ni de bandits; après quoi, ils reviennent devant le troupeau pour le mener à l'étape. Ces guides étaient nommés et changeaient selon les signes d'une divination pratiquée sur les écailles du python mythique Tyanaba; cf. Jacqueline Roumeguère-Eberhardt, Pensée et société africaines (Paris, Mouton, 1963). Cependant, c'était le silatigi qui dirigeait effectivement le clan, décidant du lieu de campement, du départ, des mariages, des litiges, selon les lois de la coutume et de l'étiquette.
Ce n'est que plus tard, en se sédentarisant, que les arɓe, se faisant les intermédiaires auprès des peuples de contact, acquirent plus d'autorité en tant que répondants de leur groupe, discutant avec les chefs environnants qui les préféraient aux silatigi que l'on craignait davantage pour leurs pouvoirs occultes. Les arɓe devinrent ainsi pratiquement les chefs des villages fulɓe (dans le Ferlo sénégalais par exemple), allant jusqu'à former un clan arɗo : les Dikko, provenant du clan Diallo (dans le Maasina).
Cependant, on connut encore certains cas où le arɗo, chefde village, fut en même temps silatigi: celui de Arɗo Demmbo, par exemple, du village de Ndilla, cercle de Linguère (Sénégal).