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Layteere Koodal e Lootori
L'éclat de la grande étoile
suivi du Bain rituel
Récits Initiatiques Fulɓe de Amadou Hampâté Bâ

Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.


       Table des matieres      

Layteere Koodal — Strophes 365-383

On tawaama pergol funnaange 365
ferɓe warde faa keɓi hiirnaange.
On tawoyte pergol hiirnaange,
yaadu yaawa maa muuyii taaɗa,
kayru warata nawtoya funnaange.
Anndinee mi hoko cuuroy kaali, 370
cuuɗi jeeɗɗi gonɗi e faddunde ndaw,
nde diidiraama sawru ndu jokkolɗe
jeeɗɗi kiɓɓe maanduɗe waɗi kaɓɓe,
ndu ittiran-mi kebbe e dow laawol.
Sawru nduu, onon nii du'anii ndu, 375
ndu feƴƴoyaandu Loowol Jinnaaji.
Ko kaalnotonno kam koo ɗum fooyre
fooyre mawnde yaltunde soppi duule,
laatinaande hankin lati nimre,
tuma nde funnoyaa Koodal ko'e joy ». 380
Sawru Baagumaawel ɓami diidi;
mo tiimi diidi ɗii nii faa ɓooyi,
mo moɗii juuti nii wa'i hono fekkor;
Vous étiez là lors de l'exode — parti du levant — 1
de ceux qui émigrèrent pour gagner le couchant ;
et vous assisterez à l'exode qui partira du couchant ;
que la marche en soit rapide ou traînante,
cet exode-là viendra pour nous ramener au levant.
Instruisez-moi de ce qu'ont dit les mansions,
les sept qui constituent la défense de l'autruche 2,
tracée par un bâton noueux
aux sept nœuds parfaits et bien marqués
avec lequel j'ôterai les ronces sur la route.
Ce bâton, c'est vous-mêmes qui l'avez consacré 3,
lui qui fut taillé dans le ravin des Génies.
C'est de la lumière qu'il vous faut me parler,
la grande lumière qui transperça les nuages,
celle qui brilla cette nuit et bouta hors les ténèbres,
lorsque vint poindre la grande étoile à cinq têtes. »
Bâgoumâwel saisit son bâton et se mit à dessiner;
il scruta longuement les traces;
il resta longtemps absorbé, comme évanoui;

Notes
1. Le mythe de l'exode est presque toujours évoqué dans les récits peuls de quelque importance : les Fulɓe ont la croyance profonde que, venus de l'orient, ils y retourneront ; ce retour avait déjà été amorcé par deux grands conquérants — ou du moins c'est ainsi que les traditionalistes interprètent les campagnes de Cheikh Usmaanu Fooduye et de El Hadj Umar. Ce mythe s'inscrit aussi bien dans les rites (prière matinale au soleil rouge — levant — pour demander le retour à Yooyo, ville mythique d'origine, située à l'orient), que dans les mœurs ou la psychologie : on explique ainsi le sens des migrations dont les diverses causes géographiques, économiques etc… ne sont pas évoquées. L'orient, source de la lumière, a toujours exercé une fascination attractive sur les hommes qui en ont fait un symbole total, la patrie spirituelle de l'âme, patrie vers laquelle, après sa chute dans la matière et le temps, l'âme s'efforce de retourner : ce cheminement est celui de l'initiation et l'allusion présente à une migration historique se double, en fait, d'une dimension mystique et initiatique.
2. On dit que l'autruche, avant de pondre, décrit en marchant un hexagramme, puis vient pondre au milieu de ce signe que les Fulɓe interprètent comme une défense protectrice; par analogie, les Fulɓe reproduisent ce signe autour du campement qu'ils installent ; on l'utilise aussi en divination : on dessine l'hexagramme à sept cases correspondant aux sept jours de la semaine, et le silatigi l'interprète d'après ses rêves : la maison du lundi a dit… la maison du mardi a dit… etc.… (voir Koumen).
Dans la tradition hébraïque, l'hexagramme est le sceau de Salomon. Dans l'Islam, l'hexagramme est symbole du nom Allâh, constitué d'un triangle auquel s'ajoutent trois éléments pour en construire un autre. L'un, sommet renversé, représente l'eau qui tombe de la miséricorde divine; l'autre, sommet dirigé vers le haut, représente le feu de la foi qui monte vers Dieu.
3. Ce bâton sert à écarter le mauvais sort; qu'il ait été donné ou volé, l'essentiel est qu'il soit « chargé », au sens magique du terme.