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Layteere Koodal e Lootori
L'éclat de la grande étoile suivi du Bain rituel
Récits Initiatiques Fulɓe de Amadou Hampâté Bâ

Edité par Lilyan Kesteloot, Amadou Hampâté Bâ, Christiane Seydou, et Alfâ Ibrâhîm Sow
Collection Classiques Africains. Paris. Armand Colin. 1974. 149 p.


       Table des matieres      

Layteere Koodal — Strophes 13-37

nyaam-tewuuji annii ɓoda dow naya;
njalti dunndu naatoyi ley gelle,
ɗalaa galle fub mo dame ommbaaka; 15
eɗi nii ndadda ko ɗi nyaami ɗi tewti.
Laamɗo ladde manngal waasuuii
damal togge dariic ɗiltoyd bawɗi
fiirie semmbe faa ɗuri semmbeleeji.
Bawɗi duuɗɗif duko muni taƴi berɗe.20
Jeertinaali mayre yo kaalaaɗi
ana ɗi faamag fay so yo kaaŋnɗo !
Nanɗo bojji Dikkoh naattina daande;
tuma ndu uggi kala uddan cuuɗi,
laabi laaɓa, kala lalla e majji. 25
Bajjo Sammburu, Coolel coobiiɗo,
yalti galle, ganndi boli yaade;
naati deeɗe ana yiiloo yiltoo.
Babbai makko ruubaa dogi yalti,
naati saare kaljuɗo ana tewta 30
ɓiyum kallisaaɗo maj kaaŋaaɗo,
mo hulaa huunde howlaa sako warta!
Babbiraawa anniik lawloo tan
doga na ƴeewa heddii ana nodda;
saama dajja fergoo hosa saamde 35
omo nil tewta Coolel hoto heettim
Tawi oon ne, hewtii ley boowal.
les carnassiers à quatre pattes se traînent,
sortent des fourrés, pénètrent dans les villes
et n'épargnent nul enclos dont les portes ne sont closes;
les voici qui chassent pour chercher à manger.
Le roi de la brousse 1, le plus grand de tous les fauves,
à l'orée des bois s'arrête et décrochant ses tambours,
les bat avec force, couvrant le son du Sembélé 2.
Ses tambours résonnent et leur bruit coupe les cœurs 3.
Ses avertissements, a-t-on dit,
sont compris même des fous !
Qui entend les cris de Dikko 4 rentre le cou;
quand il rugit, chacun ferme sa demeure
et les rues, abandonnées, se vident.
Le fils unique de Sambourou, l'audacieux Tiôlel 5,
sort de l'enclos et, poitrine en avant, dans les rues progresse.
Il entre au quartier, il va, il vient.
Pris d'inquiétude, son père sort en courant,
arrive angoissé au village et recherche
son fils devenu imbécile ou insensé
pour n'avoir peur de rien et être insoucieux de rentrer !
Voici le brave père regardant de tous côtés,
courant, observant et enfin appelant.
Il tombe et se relève, bute, manque de tomber.
Ainsi il recherchait Tiôlel; mais où le trouver ?
Déjà celui-ci avait atteint la grand'place
Notes
a. Nayi; hoyde est sous-entendu.
b. La particule fuu est raccourcie pour les besoins rythmiques du vers.
c. L'ordre syntaxique normal serait : darii damal togge…
d. L'élision du suffixe verbal -i de l'accompli narratif pour obtenir des verbaux plus courts constitue un procédé poétique courant.
e. Il s'agit de fi'ude (radical fi'- et non de fiirude (radical fiir-) comme on serait tenté de le croire ; fi'iri a donné fi'(i)ri, qui devint Fri et fi'ri.
f. L'allongement de la voyelle radicale est rythmique, la forme usuelle étant duddi.
g. Ana faama di…
h. Laddeeru, Diko ladde, Bii ladde, Mawdo Ladde, Laamɗo ladde, Muusuuru, Muusuuru ladde, Rawaandu, Rawaandu ladde… sont les surnoms les plus usuels du lion.
i. Babba ana fooda ana sidda de sorte que l'on dit indifféremment baaba ou babba.
j. Maa, signifiant “ou bien”, a été raccourci délibérément pour les besoins rythmiques du vers.
k. La particule complexe annii a été obtenue à partir de ana (réduit à an après l'élision du -a final) et de nii. Ainsi, dans le complexe an-nii, seule la particule nii garde sa forme d'origine et se trouve par ailleurs valorisée par l'accent d'intensité qu'elle reçoit. L'orthographe annii reste donc, à notre avis, la plus judicieuse.
l. Raccourcissement rythmique de la particule nii.
m. La forme d'origine heediti, devenue heediti, puis heed(i)ti, a finalement donné heedti par assimilation de d par t.
Notes
1. Le lion est dit roi de la brousse parce que c'est un noble caractère : il n'attaque jamais sans raison; il chasse pour vivre et n'attaque que s'il est provoqué. S'il est le premier à apercevoir un homme, celui-ci ne le verra même pas; il se tapit et laisse passer. Quand l'homme l'aperçoit le premier, le lion se redresse et bombe la poitrine en position de combat. Si l'homme n'est ni armé ni agressif, le lion se détend et s'engage dans la brousse. Quand il veut passer à l'attaque, le lion gratte la terre avec ses pattes de derrière et passe la queue entre les pattes jusqu'au museau. Peu d'hommes l'ont jusque-là observé dans cette position, ou tout au moins peu sont revenus pour en parler… On dit que le lion « bat ses tambours » quand, ayant gonflé sa poitrine, il en tire de forts rugissements destinés à effrayer l'adversaire.
2. Grand tambour royal, le Sembélé ne retentit que lorsque de nombreux servants le battent.
3. Expression usuelle pour souligner, en langue fulɓe, l'émotion ou la crainte.
4. Nom religieux de la première fille, comme Hammadi est le nom du premier garçon. On appelle ainsi le lion quand on le considère comme l'aîné de la brousse.
5. Coolel signifie « l'unique gibier ou poisson qu'on prend après une chasse ou une pêche infructueuse ». Ici, c'est l'enfant unique, celui de la dernière heure.